Voir double, pour apprendre à voir au-delà des apparences

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 20 mars 2009 - 610 mots

Histoire du regard. Histoire d’un art, celui de l’ambiguïté retracé à travers plus de deux cents peintures, dessins, sculptures, films et objets dont Arcimboldo, Dalí­ et Raetz, avec leurs images doubles ou multiples, sont les insignes promoteurs.

Pour ceux qui ont raté en 2003 au Kunst-Palast de Düsseldorf l’exposition « L’énigme sans fin, Dalí et les magiciens de l’ambiguïté », pensant peut-être qu’il s’agissait simplement d’un accrochage centré sur le maître catalan, voici une séance de rattrapage au Galeries nationales du Grand Palais, à Paris ! Rien de moins qu’une leçon de vision et un apprentissage de la curiosité tels que Jean-Hubert Martin, historien de l’art et conservateur prestigieux, aime les concocter.
Il s’agit d’une large reprise de la précédente exposition que ce dernier avait montée en Allemagne puisqu’on passe ici de deux cent cinquante à quelque deux cent soixante-dix œuvres, mais il ne faut pas pour autant bouder son plaisir. Parce que les prêts sont tout simplement splendides (Albrecht Dürer, Michel-Ange, Max Ernst, James Ensor, Hokusai) et que l’entreprise balaye l’histoire de l’Art de la préhistoire à nos jours. « Une image peut en cacher une autre » – pas le meilleur titre de la galaxie – va épater les galeries du Grand Palais.

Les vingt stations du visiteur
Sous la tutelle d’Arcimboldo, Salvador Dalí et Markus Raetz, le parcours déploie vingt sections thématiques et une section cinéma. Essentiellement chronologique, il fonctionne suivant la « patte » de Jean-Hubert Martin, un mélange d’érudition et d’éclectisme.
La première salle du Grand Palais, dédiée aux « Mythes d’origine », reflète très bien cet état d’esprit. Elle accorde une Vénus du paléolithique supérieur à une statue guinéenne, une canne dissimulant dans son pommeau le profil de Napoléon à un « tour » de Dalí et une collection de cartes postales de rochers bretons réunies par l’artiste Jean Le Gac.
Si le fil de la visite reprend ensuite celui de l’Histoire, Martin ponctue le plus souvent ses lectures par l’art contemporain. Parmi les vingt stations annoncées, entre salles de peintures et cabinets graphiques, vidéo et photographie, on a déjà une préférence pour celle de « La nature artiste », unepetite salle recelant une magnifique pierre de dendrite qui semble dessiner un paysage. Mais difficile ensuite de choisir entre « Paysage et visage », véritable jeu de cache-cache, « L’art de la tache » et ses tests de Rorschach ou ces « Perspectives curieuses » avec d’étonnantes élucubrations architecturales d’Escher.

Une exposition salutaire
À Paris, la démonstration vise à défendre la thèse de la résurgence des images doubles de la Renaissance au xixe siècle, bien avant que le surréalisme ne se prenne de passion pour les images embusquées des xve et xvie siècles. Il va falloir donc se livrer à un jeu de prospection et d’enquête, fouiller les images qui seront données à voir.
La visite promet donc d’être lente et minutieuse. Il faudra s’armer de patience pour dénicher les rochers anthropomorphes, basculer mentalement certaines images coquines et déambuler dans les compositions de prime abord anodines. Tout sera évidemment fait pour faciliter la tâche des images les plus délicates à déchiffrer, car certaines sont décidément bien dissimulées, censure oblige. Et ainsi de réhabituer l’œil à ne plus « consommer » des images, mais à retrouver le plaisir de se « perdre », de « travailler du chapeau » pour percer le secret des images doubles et multiples.

Principaux artistes exposés

Arcimboldo
(1527-1593)

Bellmer
(1902-1975)

Bonnard
(1867-1947)

Courbet
(1819-1877)

Dalí
(1904-1989)

Daumier
(1808-1879)

De Momper
(1564-1635)

Duchamp
(1887-1968)

Dürer
(1471-1528)

Ernst
(1891-1976)

Escher
(1898-1972)

Giacometti
(1901-1966)

Magritte
(1898-1967)

Man Ray
(1890-1976)

Mantegna
(1431-1506)

Masson
(1896-1987)

Michel-Ange
(1475-1564)

Nolde
(1867-1956)

Picasso
(1881-1973)

Raetz
(Né en 1941).

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°612 du 1 avril 2009, avec le titre suivant : Voir double, pour apprendre à voir au-delà des apparences

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