Biennale

Venise : la partition bien maîtrisée d’Anri Sala

Par Alain Quemin · lejournaldesarts.fr

Le 3 juin 2013 - 517 mots

VENISE (ITALIE) [03.06.13] - Au « pavillon français de l’Allemagne » Anri Sala touche droit au cœur avec une énigme mettant en scène la musique de Maurice Ravel. Une réussite saluée par la file d’attente devant le pavillon allemand prêté à la France.

C’est assurément l’un des pavillons les plus courus de la Biennale de Venise. Au sens propre comme au figuré. Les premiers jours, certains n’hésitaient pas à se masser devant les grilles d’accès à la biennale et à se précipiter en courant littéralement à travers les Giardini pour s’emparer des premières positions afin d’éviter l’interminable file d’attente (parfois jusqu’à 1 heure 30 !) devant le pavillon qui présente actuellement l’œuvre d’Anri Sala.

Pavillon français ? Pavillon allemand ? Difficile de répondre. Il se trouve, en effet, que, pour célébrer les cinquante ans du Traité de l’Elysée, les deux pays ont échangé leurs pavillons nationaux. Voici donc le pavillon traditionnellement français présentant les artistes choisis cette année par l’Allemagne – ce que l’on désignerait usuellement comme pavillon allemand -, tandis que le pavillon communément allemand accueille … l’artiste choisi par la France. Un joli symbole, une certaine confusion dans la désignation aussi.

Par le plus beau des hasards, Anri Sala, albanais d’origine mais qui s’était installé, depuis de nombreuses années, en France, a choisi depuis de résider également en Allemagne, à Berlin. Son choix pour représenter la France dans un pavillon prêté par l’Allemagne apparaît donc particulière-ment heureux. Un bonheur n’arrivant jamais seul, l’échange entre les deux pavillons aura également permis de substantielles économies à la puissance publique française. Le droit d’auteur est, en effet, calculé différemment dans l’hexagone et Outre-Rhin. En Allemagne, on ne retire pas les années de guerre de la période durant laquelle des droits sont dus aux artistes puis à leurs ayant-droit, en France, si. Il aurait fallu, de ce fait, verser des droits élevés aux héritiers de Maurice Ravel dont la musique sera jouée dans le pavillon présentant l’œuvre d’Anri Sala durant toute la durée de la biennale. Toutefois, du fait que le choix tricolore est présenté en territoire... allemand et non plus français, voilà l’œuvre de Maurice Ravel devenue libre de droits !

Anri Sala a-t-il entendu les critiques qui avaient été formulées à son exposition de l’an dernier au centre Pompidou ? Nous avions nous même regretté une œuvre absconse, seulement autoréférencée, bien trop complexe et que n’accompagnait aucun discours lui donnant un minimum de clarté. C’est peu dire que le dispositif vénitien a été radicalement épuré. L’œuvre y gagne considérablement en intelligibilité et en efficacité. Là où l’exposition de Beaubourg faisait office de brouillon, celle de la biennale de Venise apparaît infiniment plus maîtrisée. Ici, tant le dispositif que la magie fonctionnent. Il est question du concerto pour la main gauche en ré majeur de Ravel, de deux interprétations qu’un disc-jockey s’applique à synchroniser. La première salle pose l’énigme, la seconde, dans un très bel environnement et à l’aide d’une acoustique spectaculaire, ne manque pas de captiver, la troisième livrera en partie la clef. Le discours qui accompagne l’exposition complètera la compréhension de l’œuvre. Ici, Anri Sala convainc.

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Ravel Ravel Unravel, Anri Sala - 55. Esposizione Internazionale d’Arte, Il Palazzo Enciclopedico, la Biennale di Venezia - © Photo Italo Rondinella - © Photo courtesy La Biennale de Venise

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