Un William Blake hermétique

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 15 avril 2009 - 530 mots

Première rétrospective sur l’œuvre graphique de William Blake, concoctée par le Musée de la Vie romantique et présentée au Petit Palais.

PARIS - La place de choix qu’occupe William Blake dans la culture britannique rend d’autant plus délicat le montage d’une exposition, en France, autour de cette figure à la mythologie personnelle si complexe. Poète visionnaire, graveur novateur et précurseur du romantisme, William Blake (1757-1827) a laissé son empreinte exaltée sur les travaux des préraphaélites, et suscité l’admiration d’André Breton et des surréalistes. Sur un plan graphique, il a lui-même fait la synthèse entre la ligne néoclassique et les enluminures médiévales, dans l’esprit du gothic revival, phénomène littéraire anglo-saxon de la fin du XVIIIe siècle. Auteur de cinglantes prophéties sur l’Amérique et l’Europe, de poèmes lyriques (Les Chants d’innocence, 1789, et Les Chants d’expérience, 1793, sur la perte tragique de l’innocence), de traités religieux (Blake est persuadé que la religion est le fondement de l’humanité), mais aussi illustrateur de scènes bibliques et littéraires (Shakespeare, Dante, Milton…), Blake s’est construit un univers des plus sophistiqués dont la profonde richesse mérite d’être sondée.
La rétrospective actuellement présentée au Petit Palais (lire le JdA no 300, 3 avril 2009, p. 7), première dans le pays depuis 1947, privilégie cependant, dans son accrochage, la forme aux dépens du fond.

Est ainsi mise en avant l’invention technique par Blake de l’« imprimé illuminé », procédé de gravure en relief grâce auquel l’artiste gravait sur une seule et même planche de cuivre le texte et l’image, s’assurant ainsi le contrôle total du travail d’impression. Grâce à des prêts judicieusement juxtaposés, le visiteur observe à loisir le travail du graveur derrière l’évolution sensible des images, entre esquisses préparatoires et versions définitives. Ainsi pour les deux versions de Tiriel répudiant ses filles et ses fils, où l’on remarque que Blake abandonne les expressions dramatiques de son esquisse pour un ensemble plus rigide dans son dessin à la plume. Mais en dépit d’un document d’aide à la visite, le visiteur non averti n’apprendra presque rien sur l’univers de Blake, ses images splendides mais souvent très hermétiques n’étant que très rarement commentées.

D’une sobriété adéquate, la scénographie aurait dû mieux tirer profit de la réunion de ces pièces exceptionnelles en s’inspirant de la méthode anglo-saxonne qui sait parfaitement allier érudition et didactisme, pour s’adresser aux esprits passionnés comme aux yeux les plus neufs. Nourri d’essais éclairants, le catalogue de l’exposition se révèle un outil indispensable pour appréhender l’œuvre de Blake, et échapper ainsi au sentiment désagréable de passer à côté d’une exposition et d’un artiste majeurs.

WILLIAM BLAKE (1757-1827). LE GÉNIE VISIONNAIRE DU ROMANTISME ANGLAIS, jusqu’au 28 juin, Petit Palais, Musée des beaux-arts de la Ville de Paris, avenue Winston-Churchill, 75008 Paris, tél. 01 53 43 40 00, www.petitpalais.paris.fr, tlj sauf lundi et jours fériés 10h-18h, 10h-20h le jeudi. Catalogue, éd. Paris-Musées, 256 p., ISBN 978-2-7596-0077-9, 39 euros.

William Blake
Commissariat : Michael Phillips, commissaire invité ; Daniel Marchesseau, directeur du Musée de la Vie romantique, Paris ; Catherine de Bourgoing, adjointe au directeur du musée ; Charles Villeneuve de Janti, conservateur au Petit Palais, Paris.
Œuvres : 150 dessins, gravures, enluminures, livres et aquarelles
Scénographie : Philippe Maffre, MAW

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°301 du 17 avril 2009, avec le titre suivant : Un William Blake hermétique

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