Photographie

Un premier pas vers la redécouverte de Ronis

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 18 mai 2010 - 607 mots

PARIS

Si l’exposition de la Monnaie laisse incontestablement les visiteurs sur leur faim, elle réussit à ouvrir un peu des appétits que seule une rétrospective exhaustive viendra combler. À bon entendeur…

L'exposition de la Monnaie de Paris, organisée en partenariat avec le Jeu de paume et la médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine, gardienne de la donation  du photographe, Willy Ronis en avait lui-même soufflé l’idée lors des dernières Rencontres d’Arles. Né en 1910, il devait en effet y fêter ses cent printemps. Mais la mort en a décidé autrement le 11 septembre 2009 et, au lieu d’un anniversaire, voilà que se tient un hommage.

L’exposition n’est pas celle que l’on attend depuis la redécouverte publique de son travail à l’hôtel de ville de Paris en 2005. Aux décors chargés de l’hôtel des Monnaies, sis quai Conti, que Ronis avait photographié, les ouvriers des usines Javel-Citroën ou de textile du Haut-Rhin auraient sans doute préféré un lieu plus sobre, malgré une ingénieuse scénographie, pour célébrer celui qui rejoignit l’association communiste des écrivains et artistes révolutionnaires dès 1935. « Willy Ronis, une poétique de l’engagement », rappelle pourtant le titre de la Monnaie.

De même, l’enfilade des salles de cet l’hôtel du xviiie siècle impose un rythme trop saccadé aux – seulement – cent cinquante clichés présentés. Seulement : Marta Gili, la commissaire, s’en excuse dans le catalogue : « Loin de prétendre à une étude exhaustive de [son] œuvre […], [l’exposition] est une première approche de son travail qui devra faire ensuite l’objet d’un véritable catalogue raisonné. »

Tant mieux, car sur ce point l’accrochage ne déçoit pas : il laisse parfaitement entrevoir les pans entiers du travail de Ronis que nous devrions bientôt, espérons-le, (re)découvrir. Présents à la Monnaie, le Nu provençal et Les Amoureux de la Bastille, icônes du genre, côtoient plusieurs milliers d’images inédites prises en France, à Paris ou à Gordes, mais aussi à Londres, à New York – où il s’était rendu en 1981 avec Doisneau –, à Venise, en Hollande, en Allemagne de l’Est… ce que nous avions parfois oublié.

Ce fonds, propriété de l’État depuis les donations de 1983 et 1989, a désormais rejoint la médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine où il va devoir être inventorié avant que les historiens ne commencent leurs recherches, aidés par les nombreuses indications que leur a soigneusement laissées Ronis [lire p. 61 et 62]. Mais déjà les quelques inédits de la Monnaie nous font saliver en pensant à la future vraie rétrospective Willy Ronis. À bientôt l’artiste.

Ronis à Mantes

Né en 1910 à Paris dans une famille d’émigrés juifs d’Europe de l’Est, Willy Ronis a bien failli choisir la musique, à laquelle il avait été initié par sa mère, professeur de piano. Violoniste jusqu’à l’âge de 25 ans, Ronis s’est même rêvé une carrière de compositeur. Mais avec la crise économique, il dut rejoindre l’atelier photographique de son père, malade, en 1932.

Au décès de ce dernier, en 1936, Ronis quitte finalement le magasin et devient reporter-photographe indépendant. Ses premières piges, il les signe pour des journaux de gauche, comme Regards, qui lancent sa carrière. Au musée de l’Hôtel-Dieu à Mantes-la-Jolie (78), une seconde exposition s’attache à retracer le parcours du photographe humaniste à travers la réunion d’une centaine de clichés depuis sa couverture de la victoire du Front populaire à la Bastille, en 1936. « Willy Ronis, photographe d’un siècle », jusqu’au 3 octobre 2010. Tarifs : de 1 à 5 e. Du lundi au samedi, de 9 h à 12 h et de 13 h à 18 h, sans interruption le samedi, le dimanche de 13 h à 19 h. www.manteslajolie.fr

AUTOUR DE L’EXPOSITION

Informations pratiques. « Willy Ronis », jusqu’au 22 août 2010. Monnaie de Paris, Paris VIe. Du mardi au dimanche de 11 h à 19 h, jusqu’à 21 h 30 le jeudi. Tarifs : 5 et 7 euros. www.manteslajolie.fr

Le Palm Springs de Doisneau. Novembre 1960, Doisneau atterrit à Palm Springs, ville pour milliardaires américains construite au beau milieu du désert californien. Il y est envoyé par le magazine Fortune pour photographier ce paradis artificiel fait de palmiers, de golfs et de piscines où jamais personne ne se baigne. « Pourquoi m’a-t-on expédié [là] ? », écrit Doisneau à Maurice Baquet. L’humaniste, ami de Ronis, rapportera de son voyage un regard plein d’ironie et, c’est exceptionnel, en couleurs ! Redécouvert dans les archives de Fortune en 2007, le reportage vient d’être exposé chez Claude Bernard. Il fait l’objet d’un livre paru chez Flammarion (156 p., 30 euros).

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°625 du 1 juin 2010, avec le titre suivant : Un premier pas vers la redécouverte de Ronis

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