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Un confort nommé désir

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 16 février 2016 - 770 mots

NANCY

À Nancy, la galerie Poirel accueille le premier volet d’un triptyque conçu à partir de la collection design et arts décoratifs du Fnac et prenant pour thème le confort domestique.

NANCY - La collection design et arts décoratifs que constitue, depuis 1981, le Centre national des arts plastiques (Cnap) est aujourd’hui très riche, avec plus de 6 500 pièces au compteur. Déployée dans la galerie Poirel, à Nancy, l’exposition « Zones de confort » est le premier volet d’un triptyque destiné à faire découvrir cet aspect des collections du Fnac (Fonds national d’art contemporain). Le parcours se propose ainsi d’aborder différentes facettes du « confort », à travers deux questions principales : « à quoi le confort tient-il ? » et « quelles en sont les formes ? ». La scénographie, nullement chronologique, invite le visiteur à « traverser une curieuse demeure, celle d’un collectionneur compulsif et éclectique ». Cette « demeure » se réduit principalement à quatre pièces : « l’Office », « la Réception », « l’Aire de jeux » et « l’Antichambre », chacune d’elles se focalisant sur une forme particulière de confort. L’absence de cartels se révèle par moments gênante. Néanmoins, un petit journal bien conçu sert de guide à la visite.

Apparat, convivialité et détente
« Les visiteurs sont comme des explorateurs qui fouilleraient les vestiges d’une civilisation ancienne et chercheraient à comprendre ce que ces objets disent de cette société », commente, en souriant, Stéphane Villard, co-commissaire de l’exposition. L’Office évoque ainsi le « confort moderne », autrement dit celui apporté par les produits fonctionnels et autres appareils électroménagers censés alléger les corvées domestiques et améliorer la vie quotidienne de leurs utilisateurs. Étonnamment, ledit confort y frise parfois un certain conformisme, en écho, sans doute, à la standardisation. On retrouve, fatalement, une flopée de « robots » plus sophistiqués les uns que les autres. D’un côté les « bavards », comme un aspirateur et une machine à laver de la marque britannique Dyson, exhibant leur technicité. De l’autre les objets silencieux, telles des bouilloires et cafetières signées Jasper Morrison ou Naoto Fukasawa, fieffés tenants d’une ligne dépouillée.

Dévolue à « l’accueil des corps au repos », la Réception se veut aussi, dans sa sélection de sièges, critique de la société de consommation. Au menu : apparat, convivialité et détente. On peut voir comment, outre l’ergonomie, les convenances et coutumes sociales font parfois évoluer, sinon aident à renouveler des typologies traditionnelles. Le confort, côté assise, est décidément des plus élastiques : depuis le fauteuil tout mou Sacco du trio transalpin Gatti/Paolini/Teodoro (1968) jusqu’à la rigoriste chaise longue MVS du Belge Maarten Van Severen, toutes les manières de s’asseoir sont ici explorées.

Troisième volet de l’exposition, l’Aire de jeux réunit des objets qui apportent un certain « divertissement » à l’utilisateur, à tout le moins une liberté accrue dans leur usage. Envahi d’animaux en peluche, le fauteuil Banquette des frères Campana devient une sorte de « doudou » pour adultes. Conçue en 1994 par Philippe Starck et Ross Stevens, la télévision Zéo (Thomson) arbore elle des angles biseautés, afin de pouvoir s’incliner lorsqu’on la regarde allongé par terre, la tête légèrement penchée, d’un côté ou de l’autre. Le fauteuil Bookinist est quant à lui doté d’accoudoirs-bibliothèques et d’un… pneu afin de pouvoir être aisément déplacé.

La dernière section, enfin, l’Antichambre, rassemble une série d’objets souvent étranges « répondant à des préoccupations actuelles » (et un brin parano !), en particulier envers « un environnement potentiellement hostile ». Le siège W.W. de Starck ressemble à un insecte surdimensionné. Le tabouret cabossé Mr. Bugatti par François Azambourg paraît tout droit sorti d’un carambolage routier, tandis que le vide-poches Psychomoulages d’Olivier Peyricot fait penser à un casque de motard fondu sous des flammes de forte intensité.

Heureusement, le visiteur pourra se ressaisir un instant sur la mezzanine de la galerie Poirel. Y est exhibée, pour la première fois, une commande du Cnap, L’Écouteur, interprétation contemporaine du salon de musique, dont le mobilier a été imaginé par le designer Laurent Massaloux. On peut y écouter des œuvres sonores récentes issues de la collection arts plastiques du Fnac, comprenant chaque jour une sélection différente. Le jeudi, Rodolphe Burger et Ramuntcho Matta se partagent la vedette. Le confort est alors à la fois physique et auditif. Un bonheur !

Zones de confort

Commissaires de l’exposition : Charles Villeneuve de Janti, directeur du Musée des beaux-arts de Nancy ; Juliette Pollet, responsable de la collection design et arts décoratifs au Cnap ; Gaëlle Gabillet et Stéphane Villard, designers
Scénographie : Studio GGSV (G. Gabillet et S. Villard)
Nombre de pièces : une centaine

Zones de confort

Jusqu’au 17 avril, galerie Poirel, 3, rue Victor-Poirel, 54000 Nancy, tél. 03 83 32 31 25, tlj sauf lundi 13h-18h, samedi et dimanche 14h-18h, www.poirel.nancy-fr, www.cnap.fr. Catalogue consultable sur le site du Cnap.

Légende photo
Vue de l'exposition « Zones de confort », détail de la scénographie réalisée par le studio GGSV, à la Galerie Poirel, Nancy. © Photo : Michel Giesbrecht.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°451 du 19 février 2016, avec le titre suivant : Un confort nommé désir

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