Thomas Hirschhorn - Un centre d’art autonome

Thomas Hirschhorn expose une œuvre sous le métro aérien

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 27 avril 2001 - 706 mots

Originellement produite en 1997 pour la manifestation « Skulptur Projekte » de Münster (Allemagne), et acquise en 1999 par le Musée national d’art moderne, Skulptur Sortier Station de Thomas Hirschhorn est exposée du 29 avril au 29 juin à la station Stalingrad à Paris, sous le métro aérien. Dans un entretien, Thomas Hirschhorn revient sur son œuvre, explique le choix de son nouveau lieu d’installation et le sens de ses interventions dans l’espace public.

Thomas Hirschhorn2008 - %26copy; F. Marigaux

Comment fonctionne Skulptur Sortier Station ?
C’est un centre d’art autonome, précaire, un satellite posé dans un endroit où les gens ne vont pas pour voir de l’art mais pour autre chose. En 1997, à Münster, lors de la première exposition de ce travail, les gens s’y rendaient pour aller au conteneur à verre. Cette fois-ci, à Stalingrad, à Paris, c’est pour prendre le métro, téléphoner ou simplement s’abriter sous la voie aérienne. Quant au titre, il signifie littéralement “un endroit pour trier la sculpture”. J’ai disposé séparément dans dix vitrines ce que je nomme des prétextes de sculptures. Entre autres, il s’agit de coupes sportives, comme celles que les supporters amènent au stade pour encourager leur équipe, ou le Prix Emmanuel-Bove et le Prix Robert- Walser, qui sont des inventions car, comme les oscars et les césars, ce sont des récompenses mais aussi des sculptures. Il y a aussi une vidéo que j’ai faite au Musée de Pontoise en filmant la sculpture Ascension d’Otto Freundlich.

Cette idée de tri est-elle comparable à celle du musée qui opère une sélection de ce qui doit rester ?
Le titre nomme simplement la disposition que j’ai faite en mettant dans dix vitrines séparées les dix sculptures différentes. Les œuvres de Brancusi, de Michel-Ange, et les coupes des supporters de clubs de foot ou les logos agrandis des entreprises que portent leurs employés lors de manifestations ont tous la même importance, la même énergie, la même beauté. Sans me référer à la valeur du matériau, ce que je veux, c’est “déhiérarchiser”, désacraliser, ne pas impressionner, ne pas intimider. Je veux mettre toutes les sculptures au même niveau, un niveau juste, celui d’un travail fait.

Skulptur Sortier Station a été acquise par le Centre Georges-Pompidou après son exposition en 1997 à Münster dans le cadre d’une série d’interventions dans l’espace public. À Paris, pourquoi avoir choisi la station Stalingrad pour l’exposer ?
Stalingrad est avant tout l’évocation d’une ville qui n’existe plus. Elle s’appelle désormais Volgograd. Stalingrad n’évoque plus un lieu, mais l’histoire, la bataille de Stalingrad. Le lieu, je l’ai choisi pour son inscription dans le tissu urbain. À la fois déjà ouvert sur la périphérie et orienté vers le centre, c’est un endroit qui inclut la marge, universel et utopiste. Stalingrad est un endroit dans la ville où les forces du centre luttent avec les forces de la périphérie. Il y a une tension vitale, cet emplacement doit permettre à Skulptur Sortier Station de voyager dans la tête des passants.
 
À Münster, Skulptur Sortier Station est restée exposée pendant cinq mois. Ici, elle sera démontée au bout de deux. Comment est gérée la pièce sur place ?
Skulptur Sortier Station ne se gère pas. Elle s’expose, elle s’assume, c’est une expérience. À l’inverse du Deleuze Monument montré l’année dernière en Avignon dans la cité Champfleury, lors de l’exposition “La Beauté”, Skulptur Sortier Station ne requiert pas une implication des riverains. Par contre, avec le Centre Pompidou, nous avons contacté des associations du quartier, et des habitants participeront à l’information autour de l’œuvre. Des initiatives peuvent se développer à proximité de cet endroit.

Est-ce la première fois que vous remontez une pièce déjà exposée dans un autre espace public ?
Non, je l’ai fait à de nombreuses reprises. Lascaux III, par exemple, a été exposée trois fois dans différents lieux, et les Autels ont été faits dans différentes villes. À l’exception d’actions vouées à la disparition, mes travaux peuvent être remontés dans d’autres lieux, d’autres villes, d’autres pays. Aucun de mes travaux n’est réalisé in situ. Ce qui m’intéresse avec l’intervention dans l’espace public, c’est de choisir le lieu pour son universalité, donc le contraire d’un endroit stratégique ou central. L’endroit ne change pas mon travail. Le contexte ne fait pas mon travail, le contexte doit faire avec.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°126 du 27 avril 2001, avec le titre suivant : Thomas Hirschhorn - Un centre d’art autonome

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