Art contemporain

Grenoble (38)

Picasso, la résistance par le pinceau

Musée de Grenoble - Jusqu’au 5 janvier 2020

Par Lina Mistretta · L'ŒIL

Le 21 novembre 2019 - 383 mots

Le Musée de Grenoble a accueilli le premier Picasso dans ses collections en 1921, et c’était une anomalie qu’aucune grande exposition ne lui fût consacrée.

L’oubli est désormais réparé. Le projet était de montrer comment Picasso a témoigné de la guerre et de l’Occupation dans sa peinture, alors qu’il ne les a jamais prises pour sujet. Cette période trouble et complexe est le thème que le musée explore donc à travers une centaine d’œuvres prêtées par le Musée Picasso Paris, le Centre Pompidou et d’autres institutions, avec, en préambule, un portrait de Dora Maar, qui fut sa muse tragique. En ouverture de l’exposition, une Nature morteévoque l’arrivée de Picasso à Royan, où commence son exil. Au moment de la déclaration de guerre, il peint Chat saisissant un oiseau où l’on observe moins une tête de chat qu’un visage humain, celui de Dora, qui devient progressivement l’incarnation du conflit et de la tragédie. Dans son portrait de juin 1939, celle-ci offre une tête démente coiffée d’un chapeau. Peu à peu son visage domine l’œuvre de Picasso pour subir les plus étranges métamorphoses. En août de l’année suivante, de retour à Paris, l’artiste écrit en trois jours Le Désir attrapé par la queue, une sorte de drame surréaliste dont l’écriture automatique donne libre cours à tout ce qui est de l’ordre de l’informulé. Il peint dans la même période le Jeune Garçon à la langouste, parodie des effigies de l’art dégénéré stigmatisé par les nazis. Dans la salle suivante, l’artiste va au bout de cet art dit dégénéré avec une série de femmes assises dans leur fauteuil, captives aux formes torturées. L’année 1942, particulièrement violente, lui inspire L’Aubade, une œuvre au titre grinçant et à l’atmosphère étouffante qui dit l’irreprésentable : les déportations. En contrepoint, Picasso crée des œuvres plus intimistes, comme des pigeons symboles de la paix. L’Homme au mouton réalisé en 1943, sans doute la sculpture la plus célèbre de Picasso, deviendra un symbole de résistance au nazisme. Le 25 avril 1944, Picasso peint La Femme en bleu qui, contrairement aux êtres captifs dans leur fauteuil, trône souveraine. Christian Zervos dira de son ami : « Picasso a gardé sa dignité pendant l’Occupation, mais il ne s’est jamais engagé dans la résistance… Son œuvre est la forme de résistance la plus importante contre l’ennemi. »

« Picasso au cœur des ténèbres (1939-1945) »,
Musée de Grenoble, 5, place Lavalette, Grenoble (38), www.museedegrenoble.fr

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°729 du 1 décembre 2019, avec le titre suivant : Picasso, la résistance par le pinceau

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