Art contemporain

Paris-3e

Pénétrer dans l’univers grinçant de Philip Guston

Musée Picasso – Jusqu’au 1er mars 2026

Par Itzhak Goldberg · L'ŒIL

Le 25 novembre 2025 - 317 mots

XXe Siècle -  Reconnu comme l’un des pionniers de l’abstraction américaine, Philip Guston (1913-1980) a eu un parcours qui semblait tout tracé.

Son style demeure difficile à définir : moins violent que celui de Jackson Pollock, plus dynamique que les rideaux de couleur de Mark Rothko. Painting (1954) en offre une belle illustration. Pourtant, même si çà et là des formes reconnaissables se glissent dans ses toiles, il faut attendre les années 1970 pour assister à son véritable retour à la figuration – et bien évidemment au scandale retentissant qui a accompagné ce revirement. Il a fallu du temps pour comprendre que, à l’instar de Jean Hélion en France, Guston ne revient pas à la figuration, mais sur la figuration. Cette exposition permet aussi de découvrir un talent méconnu : la caricature. Ami proche de Philip Roth, l’écrivain américain qui dénonçait avec virulence le gouvernement de Richard Nixon (Our Gang, 1969), le peintre a réalisé en 1971 une série de dessins ridiculisant le président, rappelant les Songe et Mensonge de Franco de Pablo Picasso. Le tondo réalisé par Guston en 1937, Bombardement, s’inspire de même de Guernica. Cependant, si l’on peut rapprocher Guston de Picasso – encore que l’on songe davantage à Max Beckmann –, c’est par la puissance incontestable de ses toiles, traversées d’un véritable sentiment d’urgence. L’artiste rejette toute hiérarchie entre objets et personnages : ses compositions ou plutôt ses collages arbitraires sont des entassements où les formes, enchâssées et encastrées les unes dans les autres, dessinent un univers chaotique et inquiétant. Dans ce répertoire prosaïque – ampoules, cigares, cordes, cagoules –, un objet incongru revient systématiquement : des chaussures à semelles cloutées, proches de la forme du fer à cheval (La Rue, 1977). Font-elles écho aux images des camps d’extermination nazis qui ont choqué Guston ? Probablement. Mais en même temps, ces objets triviaux accentuent la brutalité d’une peinture qui a renoncé à toute séduction.

« Philip Guston. L’ironie de l’histoire »,
Musée Picasso, 5, rue de Thorigny, Paris-3e, www.museepicassoparis.fr

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°791 du 1 décembre 2025, avec le titre suivant : Pénétrer dans l’univers grinçant de Philip Guston

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