Art contemporain - Exposition

Pablo Reinoso en majesté à Chambord

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 26 juillet 2022 - 667 mots

CHAMBORD

Le sculpteur franco-argentin, peu connu en France, s’est emparé de l’invitation du domaine pour déployer avec plus ou moins de succès ses œuvres dans le château et son parc.

Chambord (Loir-et-Cher). Occuper le château de Chambord et son parc n’est pas à la portée de n’importe quel plasticien. Il faut avoir atteint une certaine notoriété dans le monde de l’art contemporain, maîtriser les contraintes inhérentes aux espaces publics ; disposer, aussi, d’un relatif entregent. De ces trois conditions, la première est peut-être celle qui curieusement fait un peu défaut à Pablo Reinoso (né en 1955 à Buenos Aires), dont c’est à ce jour l’exposition la plus importante. Certes, en 2018, les huit éléments métalliques de son Cercle émergeaient du bassin des Tuileries, dans le cadre du programme Hors les murs de la Fiac (Foire internationale d’art contemporain). En Suisse et en Amérique latine, où la galerie Xippas le représente, les collectionneurs sont friands de ses œuvres parfois monumentales, parfaitement adaptées aux extérieurs. Mais dans l’Hexagone où il vit depuis la fin des années 1970, ce Franco-Argentin souffre d’une étiquette de créateur touche-à-tout. Assimilé au monde du design, passé par la direction artistique d’un groupe de luxe, il a dessiné aussi bien des tubes de rouge à lèvres que des trophées de football. À l’exception du Fonds national d’art contemporain, ses œuvres sont absentes des grandes collections publiques. Reste que Pablo Reinoso est un sculpteur.

À Chambord, il déploie son répertoire formel, marqué par une prolifération stylisée de volutes et d’enrubannements, en disposant dans le château et dans le parc une cinquantaine de pièces, certaines déjà existantes, d’autres adaptées ou créées pour l’occasion. Curly Bench (2019), dont les lattes de bois se contorsionnent et s’élèvent comme si l’assise échappait à sa fonction pour retourner à l’état sauvage ; Laooconte (2014), cadres sculptés exubérants ; Nutrisco (2022), fagots de flammes placés dans le foyer des cheminées : toutes ces pièces aux courbes lisses et espiègles entrent en dialogue avec les salles nues du lieu. L’artiste fait également preuve d’audace en occupant le noyau du fameux escalier central à double révolution avec une installation de « Respirantes », série phare, coussins noirs animés d’un souffle mécanique, déroulés ici sur quatre colonnes et près de 20 m de haut (À double souffle, 2022). Audace encore quand il déploie sur les échafaudages en façade une gigantesque frise d’Entrelacs à l’encre de Chine.

Les dessins exposés dans le château, en revanche, semblent une répétition à plat de son geste de sculpteur. La proposition perd d’ailleurs de sa pertinence quand elle se détache du site pour adopter un point de vue rétrospectif sur le travail de l’artiste. C’est le cas de ce groupe d’Articulations, qui rappelle les premières expérimentations de Reinoso avant qu’il ne se prenne de passion pour la technique du bois courbé, empruntée au fabricant de chaises Thonet (la vidéo de 2006 Thoneteando, tournée à la façon d’un film muet, avec la complicité de la chorégraphe Blanca Li, est à ce sujet assez désopilante). 

12 sculptures dans le parc

Le parc du domaine équivaut à la superficie de Paris intra-muros. C’est dire que les rapports d’échelle ne sont pas en faveur de l’artiste qui souhaiterait s’y mesurer. Pablo Reinoso s’est pourtant risqué à y disposer une douzaine d’œuvres. Réinterprétation de son Talking Bench installé dans les jardins de la Maison de l’Amérique latine, La Grande Parole (2022), en acier peint, face au château, paraît un peu perdue dans le décor. Mais les Mirador jardin oscillent avec grâce et les Bancs du château trouvent naturellement leur place dans les allées. En contrepoint de ces entrelacements graphiques, les récents Arbres augmentés ou les Still Tree, associant le métal et le bois dans des hybridations vaguement monstrueuses, convainquent moins. Performance technique, sa Révolution végétale (d’après Léonard) au mouvement hélicoïdal semble également un peu hors sol. Il a fallu la lester d’un socle enterré de plusieurs tonnes dans le cas peu probable d’une bourrasque soufflant à plus de 260 km/h. C’est pourtant dans la légèreté que l’artiste est à son meilleur.

Débordements, Pablo Reinoso,
jusqu’au 4 septembre, Domaine national de Chambord, 41250 Chambord.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°593 du 8 juillet 2022, avec le titre suivant : Pablo Reinoso en majesté à Chambord

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