Art contemporain

Issoudun

L’inquiétante familiarité

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 6 juillet 2016 - 421 mots

Énigmatique, parfois sombre, l’œuvre de Valerio Adami conserve néanmoins toute sa séduction.

Impossible de se tromper : des aplats de couleurs vives, acidulées, sans ombres et cernés de noir. Les figures et l’espace sont composés de fragments soigneusement peints. L’ensemble, toutefois, désarticulé et loin de tout réalisme, se recompose chaque fois en un puzzle. Même si l’on associe Valerio Adami à la Figuration narrative, le peintre fait partie de ceux qui ont créé un style immédiatement reconnaissable.

La rétrospective proposée au Musée de l’Hospice Saint-Roch à Issoudun (Indre) confirme ce constat ; pendant toute la longue carrière d'Adami, le traitement plastique ne varie que peu. On est d’ailleurs étonné de ne pas avoir droit à la moindre œuvre de jeunesse. Selon Patrice Moreau, le commissaire, il ne subsiste presque rien de ses premières toiles, qui se rattachent à l’expressionnisme. Rapidement, sous l’influence de Matta, Adami trouve sa voie. Cependant, s’il demeure toujours un fond surréaliste dans son œuvre, il s’agit en quelque sorte d’un surréalisme froid, distancié, géométrique. L’artiste accorde une importance essentielle au dessin ; chaque toile est précédée par un dessin détaillé, qui, agrandi, est projeté sur un support. Un des mérites de l’exposition est de juxtaposer plusieurs dessins à la toile définitive.

Si la couleur et le dessin sont disjoints, si les figures et les objets sont en dislocation, l’œuvre, par son côté hiératique et mécanique à la fois, rappelle le classicisme de De Chirico et ses mannequins. L’œuvre d’Adami, toutefois, est pleinement inscrite dans le présent. Le parcours, chronologique, montre les toiles des années 1960 : scènes de lieux urbains et glauques, pour l’essentiel chambres d’hôtel anonymes et banales (Intérieur avec miroir et tapisserie, 1966-1977). Puis, ce sont des compositions historiques et des portraits, hommages ironiques ou poétiques (Wagner, Jacques Derrida). En tout 80 œuvres.

Une logique peu discursive
Élégante, cette peinture est néanmoins difficile à pénétrer car, bien qu’elle soit figurative, elle ne répond pas au critère de la lisibilité. Les « histoires » quelle raconte gardent toujours un côté énigmatique. Le récit pictural d’Adami refuse la logique discursive. Une peinture déconstructive ? Ce n’est pas pour rien que le philosophe Jean-François Lyotard lui consacre plusieurs études. Un tableau impressionnant qui se trouve au début du parcours mais pourrait figurer en fin Anagrammi (Anagramme), daté de 1986, qui figure un couple en activité érotique. Devant le lit, un masque et l’inscription « Anagrammi ». « Anagramme » : une construction fondée sur une figure de style qui inverse ou permute les lettres d’un mot ou d’un groupe de mots pour en extraire un sens nouveau, dit le dictionnaire. Ou un non-sens.

Valerio Adami, De la ligne a la couleur

jusqu’au 11 septembre, Musée de l’Hospice Saint-Roch, rue de l’Hospice-Saint-Roch, 36100 Issoudun, tél. 02 54 21 01 76, www.museeissoudun.tv, du mercredi au dimanche 10h-12h, 14h-18h, entrée libre. Catalogue, éd. Gazoline, Issoudun, 78 p, 23 €.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°461 du 8 juillet 2016, avec le titre suivant : L’inquiétante familiarité

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