XXe siècle - Quelle est cette créature à trois jambes, aux ailes déployées avec une roue de moto poussée à son sommet ? Une Machine en chair.
C’est le titre de l’œuvre indéfinissable qui accueille le visiteur dans la rétrospective que le Musée de Grenoble consacre à l’artiste polonaise Alina Szapocznikow (1926-1973), naturalisée française en 1972, un an avant sa mort à 46 ans. Plus de quinze ans après la rétrospective que lui a consacrée le Museum of Modern Art de New York, cette exposition nous invite à découvrir cette artiste majeure méconnue en France, où cette héritière du surréalisme, contemporaine du Nouveau Réalisme, vécut pourtant ses dix dernières années. À travers 150 œuvres, l’exposition nous plonge dans la vie et l’œuvre de cette artiste qui, adolescente, a connu les camps de concentration nazis. Ce traumatisme hante son œuvre, où des fragments de corps – des jambes, des lèvres, des seins, des ventres – se mêlent à des éléments mécaniques. Le corps se disloque, disparaît mais, aussi, se régénère, exulte, dans une danse d’amour et de mort. Chronologique, didactique et élégant, le parcours, scandé par des photographies de l’artiste, fait dialoguer ses sculptures, désirantes et monstrueuses, et ses dessins, fragiles, délicats, pour retracer son œuvre de 1946 à 1973. Après la libération des camps de concentration, la jeune femme de vingt ans apprend la sculpture à Prague, de façon classique, académique. Rapidement, elle voyage en 1948 à Paris, rencontre César et découvre Auguste Rodin. Elle retourne vivre en Pologne, et invente un langage du corps dans une œuvre de plus en plus expressionniste, où la chair devient cri, matière organique presque abstraite, mêlant érotisme et douleur. En 1963, Alina Szapocznikow s’installe à Paris, où elle poursuit cette recherche plastique, assemble, crée des lampes où des moulages de bouches et de seins laissent transparaître la lumière – avant que, de l’annonce de la maladie qui l’emportera, surgissent des sculptures de tumeurs. Ce parcours intense, bouleversant et dérangeant s’achève sur une sculpture et des moulages du corps de son fils – comme un ultime cri de douleur et d’amour face à la mort imminente.
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Les machines en chair d’Alina Szapocznikow
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°790 du 1 novembre 2025, avec le titre suivant : Les machines en chair d’Alina Szapocznikow







