Photographie

Les espiègleries de Coco Capitán

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 27 mars 2019 - 537 mots

PARIS

La causticité des questions existentielles de la jeune photographe et étoile montante espagnole démontre une sensibilité instinctive.

Paris. Simon Baker dit avoir découvert le travail de Coco Capitán grâce à son livre sur la Chine. Les photographies de Middle Point Between My House and China, premier ouvrage de la photographe publié en 2016, concluent d’ailleurs le parcours. Le récit, né de sa conviction d’enfant qu’il suffisait de creuser un tunnel sous le jardin familial pour rejoindre la Chine, imprime sa confrontation aux souvenirs, au réel et à l’imaginaire. Tortues d’eau dans une bassine, jeune garçon tenant dans sa main un poisson rouge barbotant dans un sac en plastique, parade militaire ou conducteur de voiture à sa fenêtre : les scènes sont anodines, mais le regard alerte, la candeur nimbée de l’enfance perdue et les écrits, résonnent comme des aphorismes, dont le ton caustique a contribué au succès de la jeune femme autant que ses images. Son univers juvénile, les questionnements de ses textes et leur typographie si particulière avec ses lettres inversées, ses ratures, annotations et son orthographes indécises forment surtout un langage qui n’appartient qu’à elle. L’éditeur Chose commune vient de publier If you’ve seen it all, close your eyes, qui rassemble un certain nombre d’aphorismes extraits des carnets manuscrits que l’artiste a réalisés au cours des dix dernières années.

Coqueluche de la mode

Coco Capitán est une artiste aujourd’hui âgée de 26 ans que les commandes les plus prestigieuses à peine sortie du Royal College of Art de Londres, n’ont pas déboussolée. De Gucci, Miu Miu, Martin Margiela à Vogue, Dust ou le New York Times, la liste de ses commanditaires est longue. « Busy living » (en français, occupée à vivre) choisi pour titre de sa première exposition en France dans une institution correspond bien au rythme de sa vie et aux diverses interrogations existentielles qu’il suscite. La place importante accordée par Simon Baker et Laurie Hurwitz à ses travaux personnels, incluant peinture et textes, convoquent ses réflexions, que reflètent aussi les quelques photographies réalisées pour telle marque ou institution, placées dans les deux premières salles de l’exposition. Entre les deux, Coco Capitan ne fait guère la distinction.

L’enfance, le corps androgyne, le nu, les questions de l’identité et du genre habitent les images de Coco Capitán. De ses portraits de jeunes filles nues ou à demi-nues et de jeunes garçons au corps ou au regard alangui émanent une indécision, une façon d’être au monde ludique dans la subversion, mais critique dans la parole émise vis-à-vis de la société de consommation ou le milieu de l’art et de la mode. L’autoportrait, souvent non notifié volontairement, s’inscrit dans la même veine. La réinterprétation en peinture de la canette de Coca-Cola d’Andy Warhol ou de la publicité pour Marlboro détournée par Richard Prince développe d’autres visions affranchies et critiques. « I am Just like Andy Warhol, the only difference is I am not an artist », précise Coco Capitán sur une toile recouverte de peinture dorée. Dans ses textes peints, elle met à distance son succès et sa renommée de manière récurrente, peut-être pour exorciser la perte de sa part d’enfant et de son innocence qu’ils induisent et garder ce regard pénétrant et sensible sur le monde qui l’entoure.

 

Busy Living. Coco Capitán,
jusqu’au 26 mai 2019, Maison européenne de la photographie, 5/7, rue de Fourcy 75004 Paris, www.mep-fr.org

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°520 du 29 mars 2019, avec le titre suivant : Les espiègleries de Coco Capitán

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