Art moderne

musée

Léon Spilliaert, les années noires

Par Valérie Marchi · L'ŒIL

Le 1 novembre 2002 - 413 mots

DOUAI

Douai, ville qui fut flamande jusqu’aux conquêtes de Louis XIV, renoue avec son passé en mettant à l’honneur l’artiste belge Léon Spilliaert. C’est plus précisément une cinquantaine d’œuvres issues de sa période dite « noire » (1900-1917), que le Musée de la Chartreuse a choisi d’exposer. 

Né à Ostende, l’artiste fait de cette ville balnéaire son port d’attache et de prédilection. La mer est pour lui une source inépuisable d’inspiration. De nombreuses atmosphères marines ponctuent sa création. La Nuit, Soir sur la Digue, Digue et Phare (1908) témoignent de ses points de vue saisissants où l’architecture est réduite à une épure et le paysage à des aplats. Amoureux des ambiances nocturnes, sa vision est souvent crépusculaire, froide et silencieuse. Par attachement à son grand-père qui avait exercé le métier de gardien de phare ce motif revient très souvent dans son œuvre. La technique employée mixe différents matériaux tels que l’encre de Chine, le lavis, le pastel et les crayons de couleur au sein d’une même œuvre. On peut y déceler l’influence de la Sécession viennoise, notamment celle de Klimt. Alors que les personnages sont rares dans l’œuvre de Spilliaert, l’image de la femme est récurrente. Non point l’égérie de l’Art nouveau aux courbes sinueuses, mais une femme inaccessible, solitaire, éthérée qui évoque les héroïnes de Maeterlinck. Ce thème, tout comme celui des scènes d’intérieurs, révèle son attrait pour le symbolisme. Chantre de la solitude et de l’absence, il se complait dans un climat onirique et empreint de mystère. Le Nuage (1902) met ainsi en scène avec virtuosité l’image d’une femme se transformant en nuage de tempête. Ce sont cependant ses autoportraits qui fascinent le plus. Entre 1907 et 1908, à la suite d’un dépit sentimental, l’artiste traverse une crise introspective. Dans un dessin de 1907, son profil se découpe avec netteté en de puissants jeux d’ombre et de lumière. Son œil disparaît dans une zone d’ombre, détail révélateur de ses doutes quant à la création. Dans Autoportrait au miroir, le reflet du peintre revêt des aspects cauchemardesques et hallucinatoires. Le miroir d’apparat se transforme en piège qui engloutit à la fois le temps et l’artiste. On retrouve ces angoisses chez Oscar Wilde avec Le Portrait de Dorian Gray, la même idée du double chez Dostoïevski ou Maupassant. L’exposition s’achève sur les travaux d’illustration de Spilliaert pour Verhaeren et de Maeterlinck.

- DOUAI, Musée de la Chartreuse, 130, rue des Chartreux, tél. 03 27 71 38 80, 28 septembre-5 janvier cat. coéd. Fondation Neumann/Somogy.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°541 du 1 novembre 2002, avec le titre suivant : Léon Spilliaert, les années noires

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