Le Musée d’art moderne de Paris expose les quatre finalistes du prix qui récompense un artiste pictural.
Paris. Depuis sa création en 2000, c’est la première fois que le prix Marcel Duchamp se tient au Musée d’art moderne de Paris (MAM) – le Centre Pompidou étant désormais fermé. L’exposition des nommés n’y gagne pas en termes de scénographie, car les plafonds de la galerie qui lui est allouée sont bas, à l’exception de la portion occupée par Lionel Sabatté, lequel a dû composer avec la présence d’un grand escalier. Cependant cette promo de finalistes 2025 essuie les plâtres en beauté, chacun des quatre – Bianca Bondi, Eva Nielsen, Lionel Sabatté et Xie Lei, le lauréat annoncé le 23 octobre – ayant visiblement donné le meilleur. L’installation d’Eva Nielsen, peintre-photographe et plasticienne, prend la forme de panneaux textiles et d’une toile murale, recréant dans l’espace les effets de strates et de juxtapositions (peinture, sérigraphie, photo…) qui caractérisent ses tableaux, lesquels renvoient aux paysages qu’elle parcourt. Passionnée par l’écologie et les sciences occultes, Bianca Bondi compose en alchimiste des « expériences sensorielles » : les objets du quotidien qu’elle emprunte à la sphère domestique sont comme cristallisés sous l’effet des réactions chimiques produites par la présence du sel, créant un décor fantastique de contes de fées mutant. Lionel Sabatté a conçu sa présentation comme une déambulation. On circule d’abord entre ses hautes sculptures en roche volcanique à tête d’oiseau avant de découvrir la toile monumentale qu’il a réalisée pour l’occasion, dans laquelle viennent s’amalgamer des fragments de soie. Une série de petits portraits esquissés à partir de résidus trouvés au musée même occupe un pan de mur – « la première chose que j’ai faite en arrivant, ça a été de balayer », plaisante l’artiste connu pour ses meutes de loups en poussière. En vis-à-vis sont accrochés des volatiles en bronze oxydé, dont les formes hésitent entre la momie et la mue. Comme dans la pratique de Bianca Bondi, mais dans un registre plus sombre, le cycle de vie est au cœur de ce travail, dont une pièce plus ancienne, une composition abstraite réalisée à partir de peaux mortes, figure également dans l’exposition. Et c’est un peintre, donc, dans l’acception la plus traditionnelle du terme, que le jury de l’Adiaf a choisi de récompenser cette année. Xie Lei est un artiste qui fascine. Par sa connaissance littéraire d’une langue qu’il a adoptée et maîtrise parfaitement – comme il parle également espagnol, allemand, anglais et bien évidemment chinois. Par la ferveur aussi avec laquelle il se voue à son œuvre picturale, dansant dans son atelier au son d’un flamenco ou d’une symphonie de Wagner, alternant avec des moments de tension et de silence. Il a produit pour cette présentation huit toiles verticales aux camaïeux de vert bleu. Leur format, à échelle humaine, impose une frontalité immédiate. Des silhouettes y apparaissent, sans visage, renversées dans une chute qui les entraîne. Tantôt enlacées, tantôt séparées, elles évoquent la perte et l’étreinte et traduisent « une angoisse existentielle », reconnaît Xie Lei. Peut-être faut-il percevoir, comme Fabrice Hergott, le directeur du Musée d’art moderne de Paris, membre du jury, « une allusion aux corps se jetant des tours lors des attentats du 11 septembre 2001, un écho à notre sentiment actuel de tomber dans le vide ».
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°664 du 31 octobre 2025, avec le titre suivant : Le Prix Marcel Duchamp 2025 distingue le peintre Xie Lei





