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Le marchand Goupil et le peintre Gérôme

L'ŒIL

Le 1 décembre 2000 - 306 mots

L’exposition Theo Van Gogh organisée en 1998 au Musée d’Orsay invitait à faire une excursion inédite dans le milieu des marchands d’art au XIXe siècle. L’exposition de Bordeaux, « Gérôme & Goupil, Art et Entreprise », invite à y pénétrer plus avant afin de découvrir le fonctionnement de ce couple d’un nouveau genre composé d’un marchand, Adolphe Goupil (1806-1893), et de son peintre, Gérôme (1824-1904). Couple modèle dont on aurait pu trouver d’autres exemples (Sedelmeyer et Munkacsy ou Brame et Roybet), mais que les collections du Musée Goupil, ouvert en 1991, permettent d’étudier dans tous ses rouages. En confrontant quelques œuvres de Gérôme (Le Roi Candaule, Un duel après le bal) à leurs reproductions, l’exposition démonte avec bonheur la mécanique du succès de Gérôme qui pervertit une à une les règles traditionnelles de la carrière du peintre. Ainsi, le Salon, où Gérôme se doit d’afficher quelques tableaux à sensation, ne sert plus qu’à cautionner le talent du peintre auprès des amateurs. Puis, le tableau, fourmillant de détails n’existe plus dans son concept de pièce unique puisqu’à peine achevé il est copié par le peintre lui-même pour répondre aux convoitises de différents collectionneurs et surtout pour être confié aux soins du graveur. Et c’est avec l’intervention de ce dernier que le système prend toute son ampleur. Gravures, lithographies, photogravures d’après les œuvres de Gérôme (370 reproductions différentes) sont abondamment diffusées par Goupil qui fait de la peinture de Gérôme un art de « masse » et même, ainsi qu’a pu le démontrer Walter Benjamin, une « œuvre d’art précisément conçue pour la reproductibilité ». Au-delà des notions de sujet ou de technique, la machinerie Gérôme-Goupil doit apporter un éclairage passionnant sur la lutte entre Gérôme et les impressionnistes dont les peintures constituent précisément l’antithèse des siennes, des œuvres uniques et originales.

BORDEAUX, Musée Goupil, jusqu’au 14 janvier.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°522 du 1 décembre 2000, avec le titre suivant : Le marchand Goupil et le peintre Gérôme

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