PARIS
Le Centre Pompidou explore la dynamique créative qui unit ces deux figures majeures de l’art contemporain.

© Adagp Paris 2025
Paris. Comment mettre en scène deux artistes – Niki de Saint Phalle (1930-2002) et Jean Tinguely (1925-1991) –, ce couple ayant réalisé des œuvres à quatre mains tout en poursuivant des démarches radicalement différentes ? Et comment introduire Pontus Hultén (1924-2006), le visionnaire à l’origine du Centre Pompidou ?
Dès l’entrée, le visiteur est invité à redécouvrir Pontus Hultén à travers de nombreux documents – textes, photographies, vidéos – qui rappellent son rôle majeur dans l’histoire de l’art contemporain.
Les œuvres collaboratives de Saint Phalle et Tinguely prennent ensuite place, avec notamment Le Crocrodrome de Zig et Puce, un dragon installé dans le Forum lors de l’ouverture du MNAM en 1977. Mais c’est au Moderna Museet de Stockholm, qu’a été conçue en 1966 la réalisation la plus provocatrice du couple. Œuvre d’art total, Hon – en Katedral, fut une immense Nana allongée, jambes écartées, dans laquelle le public était invité à pénétrer par le vagin. Programmée pour être détruite, elle fait écho au célèbre Hommage à New York, créé par Tinguely au MoMA en 1960 : une machine hétéroclite conçue pour imploser dès sa mise en marche.

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Hon – en Katedral ou Le Crocrodrome de Zig et Puce, ces installations monumentales, véritables manifestes de l’éphémère et de l’autodestruction, incarnent toute la complexité de l’exposition. Si la « reconstruction » de Hon – en Katedral est une réussite, celle du Cyclope (1969-1994) ne parvient pas à restituer toute l’ampleur de ce totem spectaculaire, véritable aboutissement de cette dynamique collective.
L’exposition présente également des créations individuelles de Tinguely et de Saint Phalle. Cette dernière s’est fait remarquer par un coup d’éclat – ou plutôt un coup de carabine. À mi-chemin entre performance, sculpture et peinture, ses Tirs, sont le plus souvent documentés, photographiés, voire adaptés au format télévisuel. Rien de fortuit : l’artiste a toujours su capter l’attention médiatique. L’œuvre de cette jeune et belle aristocrate franco-américaine a bénéficié – et continue de bénéficier – d’une forte visibilité. Colorés, parfois frôlant le kitsch, ludiques – du moins en apparence –, les travaux de Saint Phalle, notamment les Nanas, restent très populaires. Sa thématique, centrée sur la femme et la violence – y compris celle qu’elle a elle-même subie –, entre en résonance avec les préoccupations contemporaines. L’artiste est devenue une figure mythique, une icône féministe à l’instar de Frida Kahlo.
La production plastique de Tinguely, bien que fascinante pour les enfants, s’avère plus sombre, moins séduisante. Composée de matériaux de récupération et de mécanismes complexes, elle exprime un équilibre paradoxal – une apparente fragilité alliée à une force brute –, et conserve une ironie mordante : celle des machines d’inutilité publique. Parfois trop dispersée dans les salles du Grand Palais, cette œuvre dégage une étrange inquiétude lorsqu’elle est isolée. Ainsi, L’Enfer, un petit début, au titre évocateur, prend la forme d’un memento mori macabre, affrontant sans détour la thématique de la mort.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°660 du 5 septembre 2025, avec le titre suivant : Le Grand Palais fait dialoguer Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely





