Art ancien

XIXE SIÈCLE

L’art romantique, entre misogynie et féminisme

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 12 juin 2022 - 353 mots

Pionnière, l’exposition met en lumière les stéréotypes féminins de l’art romantique en même temps que les femmes qui les ont transgressés.

Paris. Rassemblant un peu plus de quatre-vingts œuvres – peintures, œuvres sur papier, estampes, sculptures, objets d’art, photographies et livres –, un tutu long et quelques extraits de films montrant la permanence dans notre culture des modèles féminins fixés dans la très misogyne première moitié du XIXe siècle, les commissaires d’« Héroïnes romantiques », Gaëlle Rio et Élodie Kuhn, abordent un important chapitre des études de genre en interrogeant l’image des femmes que véhiculait l’art de la période romantique. Sans épuiser le sujet, le parcours du Musée de la Vie romantique présente trois types d’héroïnes : celles de la mythologie et de l’Histoire, les personnages de fiction et les grandes figures du monde du spectacle à l’époque. Il s’ouvre sur Sapho à Leucate (1801) d’Antoine Jean Gros. Un cartel précise que l’œuvre représente le suicide de la poétesse par amour pour Phaon (un homme réputé pour sa beauté), tandis qu’un second panneau renseigne sur la véritable Sapho. Tout est dit avec ce tableau : la mise sous silence de l’identité sexuelle, pourtant connue, de la poétesse et le choix de réduire à une image de victime cette « patronne des hystériques », comme la qualifiait Baudelaire dans L’Art romantique (1869).

On découvre ces héroïnes souvent à demi nues, enchaînées ou bien inertes dans les bras d’un homme, évanouies ou mortes ; elles remplissaient les cimaises des Salons d’un XIXe siècle qui ne s’était pas remis de la Révolution française et des revendications féministes qu’elle avait cristallisées. La Liseuse (1829) de Charles de Steuben personnifie les femmes élevées dans les schémas mentaux romantiques, rêvant à l’amour d’un homme pour lequel elles pourraient se sacrifier. En 1857, Gustave Flaubert en a fait le portrait dans Madame Bovary. Cependant, l’exposition présente aussi des artistes – peintres, sculptrices, écrivaines, danseuses, chanteuses – qui ont su affirmer leur autonomie et qui ont été admirées et représentées. Dans le livre collectif qui l’accompagne, Élodie Kuhn plaide à juste titre pour « une histoire de l’art au présent » qui prenne en compte cette complexité.

Héroïnes romantiques,
jusqu’au 4 septembre, Musée de la Vie romantique, 16, rue Chaptal, 75009 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°591 du 10 juin 2022, avec le titre suivant : L’art romantique, entre misogynie et féminisme

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