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La puissance évocatrice de Le Gray

Par Anne Distel · L'ŒIL

Le 1 avril 2002 - 387 mots

Décidément, l’actualité sourit à Gustave Le Gray. Alors que la vente Jammes, chez Sotheby’s, vient de jeter un jour nouveau sur ses travaux entrepris lors de la mission héliographique de 1851, plusieurs grands musées se disputent l’honneur d’exposer ses épreuves. Deux livres lui sont également consacrés. Ils sont l’œuvre de Sylvie Aubenas, conservateur en chef au département des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque Nationale de France et commissaire de l’exposition sur le site Richelieu. Pourquoi ce subit regain d’intérêt pour Le Gray ? D’abord parce que ce fut un novateur, dont les images n’ont rien perdu de leur puissance évocatrice, notamment ses marines exposées au Musée Condé de Chantilly. Pour les réaliser, il dut affronter des difficultés techniques jugées insolubles par la majorité de ses confrères. Ainsi croyait-on impossible, avant lui, de voir figurer sur la même épreuve l’étendue de la mer et la lumière d’un ciel traversé de nuages. Le Gray comprit alors qu’il suffisait de réaliser une prise de vue par élément, puis de les juxtaposer. Il fut d’ailleurs tellement satisfait de sa trouvaille qu’il se servit d’un même fond nuageux pour des scènes différentes, une idée reprise un siècle plus tard par le Tchèque Jan Saudek. Ses marines allaient valoir gloire et fortune à Gustave Le Gray. On se les arrachait dans les galeries de gravures, à Londres comme à Paris, on se disputait leur auteur jusqu’à la cour impériale pour se faire tirer le portrait, on se targuait de le protéger, de lui offrir le plus bel atelier de la ville. Las... L’homme était mauvais gestionnaire. Croulant sous les dettes, fâché avec tout le monde, il quitta brusquement la capitale pour aller s’embarquer en compagnie d’Alexandre Dumas dans l’une de ses aventures orientophiles dont raffolaient les bons esprits du temps. Mais le voyage tourna court, à la suite d’une nouvelle dispute. Et Le Gray se retrouva seul, jusqu’à la fin poursuivant dans l’Egypte du Khédive, son vœu de voir la photographie, « au lieu de tomber dans le domaine de l’industrie et du commerce, entrer dans celui de l’art ».

CHANTILLY, Musée Condé, tél. 03 44 62 62 62, 20 mars-17 juin, PARIS, BNF, site Richelieu, 19 mars-16 juin et LOS ANGELES, JP Getty Museum of Art, 9 juillet-29 septembre. A lire : Livre-catalogue, éd. BNF-Gallimard, 416 p., 59,95 l.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°535 du 1 avril 2002, avec le titre suivant : La puissance évocatrice de Le Gray

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