Art contemporain

La géographie imaginaire d’Éric Fonteneau

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 8 février 2021 - 460 mots

LES SABLES D'OLONNE

Le Musée de l’abbaye Sainte-Croix expose ses dessins et cartographies poétiques de paysages indéterminés.

Les Sables-d’Olonne (Vendée). Qu’elle serve à documenter une œuvre ou qu’elle soit son support matériel, une carte est toujours polysémique – et c’est sans doute ce qui en fait sa richesse. Manipulée par les artistes, elle peut être une représentation des univers explorés, abandonnés, voire rêvés par eux. Ces ensembles de signes visibles et lisibles se transforment tantôt en reconstruction, tantôt en projection de lieux réels ou imaginaires. Les travaux poétiques d’Éric Fonteneau se faufilent avec grande habileté dans cet entre-deux et laissent le spectateur dans un espace d’incertitude. Certes, l’artiste, grand voyageur, fasciné par la géographie et les cartes, « arpente le monde en dessinateur ». Pour autant, il ne s’agit pas d’accumuler des données sur la réalité puis de les transcrire sur le papier. C’est en vain que l’on cherchera les indications nécessaires pour identifier des lieux que seuls désignent des mots à peine déchiffrables, inscriptions parcimonieuses. Ses dénommées « cartes blanches » (Carte blanche (massifs coralliens), 2006, ou Carte blanche (le partage de l’eau), 2006) disposées sur des tables sont des « documents » non décryptables. Même si les configurations peuvent accessoirement évoquer un endroit plus ou moins éloigné, ces surfaces vierges, recouvertes de veines délicates, sont plutôt des invitations au dépaysement. Des dessins où « des fines perforations d’une aiguille marquent dans le papier blanc les contours de continents, les tracés de fleuves, les courants de reliefs montagneux » (Scarlett Bonduelle-Reliquet, [1]).

Plus loin, dans les « Dessins noirs », fragments de paysage, le plus souvent hivernal, la neige hérite de la blancheur des cartes. Montagnes, forêts, source d’eau, leurs représentations sont d’une précision quasi photographique. Toutefois, en s’approchant, on découvre la sensation de la matière déposée par la pierre noire, où l’œuvre « se charge d’un fort pouvoir haptique », écrit Gaëlle Rageot-Deshayes, commissaire et directrice du Musée de l’abbaye-Sainte-Croix. Si l’ensemble de ces dessins reste figuratif, certains close-up, essentiellement des branches nouées en une série de courbes, ne sont pas sans rappeler les drippings de Pollock. Dans un chapitre particulièrement réussi de cette rétrospective, une dizaine de dessins d’arbres suspendus aux poutres des combles forment une forêt mystérieuse. Ailleurs, au-dessus d’une carte marine tronquée et de deux dessins de volcan, un essaim de morceaux en verre collés au mur, des îlots flottant au milieu d’un espace indéfini, semble échappé d’un séisme (Archipel volcanique, 1985). Éclectique, Fonteneau a recours également à l’art conceptuel, avec des textes, ou aux installations dont on trouve ici des traces photographiées.

Le parcours s’achève sur des portraits d’aventuriers tels Edmund Hillary, George Marston ou Frank Hurley. Réalisés en 2019, à la facture convenue. Leur présence en hommage à la neuvième édition du Vendée Globe, qui part des Sables-d’Olonne, n’était peut-être pas indispensable.

(1) Éric Fonteneau, éd. Siloë, Nantes, 2008.

Éric Fonteneau, Figures du monde,
initialement jusqu’au 14 février, Musée d’art moderne et contemporain, abbaye-Sainte-Croix, rue de Verdun, 85100 Les Sables-d’Olonne.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°559 du 22 janvier 2021, avec le titre suivant : La géographie imaginaire d’Éric Fonteneau

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