Venise (Italie)

La collection Pinault à contre-pied

Punta della Dogana jusqu’au 20 novembre 2016

L'ŒIL

Le 27 mai 2016 - 379 mots

Le noir et le blanc du drapeau breton flottent sur la Pointe de la douane, à Venise, où est présentée la collection Pinault. Depuis le 17 avril dernier, la croix noire de Malevitch y est elle aussi visible, ou plus exactement la croix issue du Wall Drawing #343, série de l’Américain Sol Lewitt qui reprend six formes géométriques élémentaires, dont la croix, le cercle et le quadrangle, hommage évident au suprématiste russe. Le noir et blanc sont les fils conducteurs de cette nouvelle exposition intitulée « Accrochage », un titre choisi, explique sa commissaire Caroline Bourgeois, pour sa neutralité. Et pour cause, l’exposition prend l’exact contre-pied de ce que l’on attend normalement d’une collection internationale de ce type : ici, nulle démonstration de force, ni de stars de la spéculation, mais des artistes souvent confidentiels qui s’illustrent par leur radicalité et leur minimalisme. À Maurizio Cattelan et aux frères Chapman ont ainsi été préférés Absalon, Niele Toroni, Fernanda Gomes, Günther Uecker, etc., dévoilant par conséquent un autre versant de la sensibilité du collectionneur et homme d’affaires français. Fabio Mauri, par exemple, artiste italien disparu en 2009, fut un artiste que Caroline Bourgeois qualifie de « visionnaire » pour avoir réalisé, dans les années 1950, une série autour du carré de l’écran de télévision dont il pressentait qu’il allait remplacer le carré de Malevitch. L’avenir ne lui a pas donné tort. Le nom de Prabhavathi Meppayil, artiste indienne née en 1965, ne parlera pas davantage au public. Pourtant, ses panneaux de gesso dans lesquels elle incruste de fins fils de cuivre qu’elle recouvre de peinture blanche avant de poncer l’ensemble dégagent la même force que les toiles de l’Américaine Agnès Martin. Sa proximité avec Michel Parmentier, celui d’avant 1968 et la parenthèse de la peinture, fait sens tant les deux artistes recherchent chacun à leur manière la neutralité, à l’instar de Peter Dreher, peintre obsessionnel allemand qui, depuis 1974, peint chaque jour le même verre à eau vide posé sur une table… Une radicalité que la présence, en fin de parcours, de la tapisserie de Goshka Macuga (née en 1967 à Varsovie), réalisée à partir de photographies, vient malheureusement troubler, comme les ballons en forme de poissons gonflés à l’hélium de Philippe Parreno qui viennent rompre la quasi-religiosité de l’exposition.

« Accrochage »

Punta della Dogana, Venise (Italie)

www.palazzograssi.it

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°691 du 1 juin 2016, avec le titre suivant : La collection Pinault à contre-pied

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