Art contemporain

Juan Muñoz

Parler de l’être et de sa présence au monde

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 26 juillet 2007 - 354 mots

Uniformément gris couleur cendre, crâne rasé, la tête émergente de leur pardessus gris, le visage grimaçant, les petits hommes de Juan Muñoz ont l’allure de Chinois qui s’en racontent de bonnes. 

Ils sont une centaine, mesurent un mètre soixante et, quoique réunis dans le même espace, semblent curieusement ne pas prêter attention les uns aux autres. Comme s’ils n’étaient somme toute que la répétition d’un seul et même individu.

Intitulée Many Times (1999), l’installation de cette foule est emblématique de la démarche de cet artiste espagnol, né à Madrid en 1953, brutalement disparu en 2001 alors même qu’il atteignait sa pleine maturité. Fasciné par le Balzac de Rodin, Juan Muñoz revendiquait la qualité de statuaire comme pour insister sur l’importance dans son art de sa relation à l’espace. De fait, le concept de scénographie préside la plupart de ses travaux et il a toujours avoué son intérêt pour le baroque et les jeux ambigus entre réel et illusion.

L’art de Muñoz est requis par l’humain et tous ses soins visent à interroger la condition humaine. Il invite le spectateur à se confronter à l’autre, à son double, à lui-même dans des mises en scène de figures étranges, solitaires, inquiétantes parfois. Guy Tosatto, le directeur du musée de Grenoble, n’a jamais caché sa totale admiration pour l’artiste. L’exposition qu’il lui consacre réunit non seulement différentes sculptures déjà bien repérées – comme Conversation Piece, de 1996 –, mais aussi tout un lot de dessins que l’on a beaucoup moins vus.

Encres, pastels, fusains et craies employés par l’artiste attestent de la maîtrise d’une pratique qu’il appréhendait au service d’une pensée sans cesse en recherche. « Juan Muñoz pensait en dessinant, écrit Tosatto. Le trait est sûr, incisif ; mais il peut se faire également délicat, voire suave avec l’emploi de la craie grasse. » D’un mode à l’autre, l’art de Juan Muñoz tente « d’articuler quelque chose » – comme il le disait de ses personnages – qui parle de l’être et de sa présence au monde.

« Juan Muñoz, sculptures et dessins », musée de Grenoble, 5, place de Lavalette, Grenoble (38), tél. 04 76 63 44 44, jusqu’au 28 mai 2007.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°591 du 1 mai 2007, avec le titre suivant : Juan Muñoz

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