Jean-Pierre Bertrand : rétrospective

L'ŒIL

Le 1 avril 2004 - 363 mots

« Son ciel sera plus grand que le plafond peint en bleu de sa chambre » est écrit en cinquante-quatre lettres en néon au gaz bleuâtre sur un mur peint d’un bleu léger. Puis en face se déploie un joyeux ensemble de petits volumes de papier miel acrylique de toutes les couleurs ordonnées en quatre rangées, montré ici pour la première fois.

La narration de Jean-Pierre Bertrand ne se fait pas à travers un je, mais par le jeu d’éléments disposés, qui s’inscrit dans une logique mystérieuse. Nous retrouvons dans cette exposition à caractère rétrospectif l’obsession pour le chiffre 54 et en même temps un état de gaieté. Bertrand parle de « mémoire, de découverte du monde, dont chaque couleur serait l’icône : bleu le ciel, verts les champs, l’herbe, roses la peau et le parfum des femmes, marron la terre au printemps, jaunes les moissons… les papiers sel et les papiers citron – un texte écrit dans le temps –, le papier miel, onguent de la matière colorée et coagulante – douceur. »

D’autres salles exposent ses majestueuses peintures telles des stèles. Faites d’un mélange alchimique : papier enduit soit de miel, de sel, de jus de citron ou de couleur acrylique rouge, il se dégage une sensualité du toucher et de la proximité de cette masse scarifiée. Une substance évolutive parcourt l’intérieur de la matière, mais qui est en même temps une surface en concrétion. Ces présences révèlent un rapport anthropomorphique à travers le flux des humeurs corporelles, jamais dans l’apparence, mais au niveau des sens, quasiment suspendus à la sensation directe. Le spectateur est projeté dans un paysage en gestation au sein duquel seule la paroi de la vitre maintient l’altérité. Ainsi le Plexiglas fonctionne comme une cornée, qui met à distance cet ectoplasme entrouvert.

Ailleurs les miroirs octogonaux placés à ras du sol sont plutôt du côté du leurre, révélant que la surface réfléchissante ne connaît pas d’ombre, seulement une vérité virtuelle. Sur celui dont la forme épouse la dalle centrale de la chapelle de la Salpetrière à Paris, sont posées huit moitiés de citron, qui nagent dans leur dédoublement et un citron entier. L’énigme d’une vanité qui interroge.

« Jean-Pierre Bertrand »

ANTIBES (06), musée Picasso, château Grimaldi, tél. 04 92 90 54 20, 20 mars-21 juin. Cat., 140 p., env. 25 euros

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°557 du 1 avril 2004, avec le titre suivant : Jean-Pierre Bertrand : rétrospective

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