Art ancien

Jean Fouquet, peintre et enlumineur

Par Guillaume Morel · L'ŒIL

Le 1 mai 2003 - 748 mots

Peintre, enlumineur et portraitiste recherché, Jean Fouquet (vers 1420-vers 1480) est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands artistes français du XVe siècle.

De nombreuses incertitudes planent encore sur sa jeunesse et son éducation artistique ; il fréquente probablement les ateliers parisiens et voyage en Italie où il se nourrit de ses rencontres avec les artistes de la Florence des Médicis. Installé à Tours vers 1450, il travaille tant pour le haut clergé local que pour les principaux représentants de l’État monarchique (Étienne Chevalier, Jouvenel des Ursins...). Sous Louis XI, vers 1475, il devient peintre du roi. Célébré de son vivant, Fouquet sombre ensuite dans l’oubli, avant d’être reconsidéré au XIXe siècle par les romantiques, sensibles à l’art du Moyen Âge. Les œuvres elles-mêmes suscitent de nombreux débats et posent des problèmes d’attribution, un seul ouvrage (le manuscrit des Antiquités judaïques) étant attesté de sa main.

L’exposition de la Bibliothèque nationale de France réunit la quasi-totalité de l’œuvre du maître, à travers ses trois grands aspects, l’art du portrait, la peinture religieuse et l’enluminure. Apprécié par la cour, l’artiste est choisi pour peindre le portrait de Charles VII, du chancelier Guillaume Jouvenel des Ursins ou celui du trésorier de France Étienne Chevalier. Son style se définit à la croisée de deux influences, le réalisme flamand et les visions idéalisées de l’art italien. Peu de ses peintures subsistent aujourd’hui. Par l’émotion des visages, le jeu des regards baissés dans une composition savamment orchestrée, la douceur et l’harmonie des tonalités, l’aspect sculptural des volumes, la Pietà de l’église de Nouans-les-Fontaines justifie à elle seule la visite de l’exposition. Il n’existe aujourd’hui plus que deux peintures religieuses, la seconde étant un diptyque commandé par Étienne Chevalier pour la collégiale de Notre-Dame de Melun. À en juger de la qualité des enluminures du Livre d’Heures d’Étienne Chevalier (145-1460) et de celles des Grandes Chroniques de France (vers 1455-1460) où Fouquet montre qu’il peut, outre les textes pieux, admirablement interpréter un texte historique, on pourrait croire qu’il a été particulièrement actif dans ce domaine. Or il semblerait qu’il n’ait illustré que peu de livres, peignant parfois une seule scène pour satisfaire un commanditaire fortuné souhaitant enrichir son manuscrit. À partir de 1460, Fouquet est aidé par un talentueux collaborateur, que l’on découvre pour la première fois dans les petites illustrations du Boccace de Munich. Il s’agit sans doute de l’un des fils de Fouquet, Louis ou François. Difficile, de ce fait, de définir précisément l’étendue de l’activité de Jean Fouquet et l’importance peut-être encore sous-estimée de son principal disciple. L’ouvrage publié à l’occasion de cette exposition est, plus qu’un catalogue, une monographie exhaustive de l’artiste qui fait le point sur les recherches, les problèmes d’attributions et les peintres qui ont collaboré avec lui.

Présentées de façon permanente dans le Santuario du château de Chantilly, les quarante miniatures de Fouquet pour le Livre d’Heures d’Étienne Chevalier constituent, à l’évidence, son chef-d’œuvre. Fouquet met au point une technique novatrice, pointilliste, extrêmement minutieuse. Par l’usage d’un or liquide apposé au pinceau, Fouquet joue sur la lumière mais aussi, cela est remarquable, sur les ombres. Les miniatures ont gardé toute la fraîcheur de leur coloris, l’éclat des bleus, des ors, des verts (Mariage de la Vierge). Selon la volonté du duc d’Aumale, les œuvres conservées à Chantilly ne peuvent être prêtées et sont par conséquent absentes de l’exposition de la Bibliothèque nationale. Voulant s’associer à l’événement et permettre de les redécouvrir différemment, le musée Condé organise en parallèle une exposition autour de l’enluminure française au temps de Jean Fouquet. Celle-ci présente un choix de manuscrits sur parchemin, pour la plupart inédits, issus de la collection du duc. Ce tour d’horizon met aussi en évidence l’indéniable supériorité du maître. À la lumière de ses contemporains et après avoir revu à la loupe les quarante miniatures du Santuario, pas de doute : aucune des enluminures exposées, malgré leur splendeur, ne peut prétendre à la même finesse d’exécution, à la même intensité colorée, à la même ingéniosité dans les compositions.

- PARIS, Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, galerie Mazarine, 58 rue de Richelieu, IIe, tél. 01 53 79 59 59, 26 mars-22 juin, cat. coéd. BNF/Hazan, 416 p., 430 ill., 65 euros. - CHANTILLY, musée Condé, château, tél. 03 44 62 62 62, 26 mars-22 juin, cat. coéd. musée Condé/Somogy, 96 p., 65 ill., 18 euros. Somogy publie également un ouvrage reproduisant, au format réel, les quarante enluminures du Livre d’Heures d’Étienne Chevalier, 88 p., 40 ill., 15 euros.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°547 du 1 mai 2003, avec le titre suivant : Jean Fouquet, peintre et enlumineur

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