Art ancien

XVIIIe

Hubert Robert, le bâtisseur romanesque

Par Francine Guillou · Le Journal des Arts

Le 29 mars 2016 - 660 mots

PARIS

Le Musée du Louvre retrouve son premier conservateur, le peintre Hubert Robert, dans une grande monographie qui ne s’intéresse pas qu’aux ruines qui ont fait son succès.

PARIS - « Il était temps, depuis la dernière grande exposition en 1933, de se pencher sur lui : on l’a dans l’œil, mais son charme même était à questionner » : Guillaume Faroult, conservateur en chef du patrimoine au département des Peintures du Louvre et commissaire de l’exposition « Hubert Robert (1733-1808), un peintre visionnaire » s’est donné pour tâche de présenter, au-delà du « peintre des ruines », une vision complète de l’artiste qui façonna le regard de ses contemporains au XVIIIe siècle sur les vestiges antiques. « Les liens sont très profonds entre l’artiste et le musée. Sa carrière a été abritée, favorisée et publiée en quelque sorte par le palais du Louvre, explique Guillaume Faroult, il est l’illustre prédécesseur des conservateurs d’aujourd’hui. »

Paradoxalement, cette volonté encyclopédique se marie avec une scénographie qui penche vers l’intime. Dans la première salle, deux portraits d’Hubert Robert accueillent le visiteur. Un buste en terre cuite du sculpteur Augustin Pajou et une toile d’Élisabeth Vigée-Lebrun esquissent l’amitié qui unissait le peintre et les deux artistes. Vigée-Lebrun écrira : « Il avait de l’esprit naturel, beaucoup d’instruction, sans aucune pédanterie, et l’intarissable gaîté de son caractère le rendait l’homme le plus aimable qu’on pût voir en société. » D’entrée, la sympathie est de mise pour ce peintre qui fut philosophe et poète à ses heures, architecte, paysagiste, officiel de l’Ancien Régime puis de l’Empire, enfin conservateur du Muséum central des arts, futur Musée du Louvre. Si le Louvre conserve trente-six tableaux et deux cent soixante dessins du maître, l’exposition s’appuie aussi sur des prêts importants, comme le fonds de dessins du Musée des beaux-arts de Valence et de nombreuses œuvres venues des États-Unis, le goût américain pour les représentations de ruines du peintre ne s’étant jamais démenti depuis le XIXe siècle. Le parcours, entre chronologie et thèmes, dresse un panorama de sa carrière et de ses thèmes privilégiés.

Des décors grandioses
Arrivé à Rome en 1754, il loge à l’Académie de France sans avoir passé le concours, grâce à des mécènes haut placés qui lui seront fidèles toute sa vie. Durant dix ans, il parcourt inlassablement les rues et bâtiments de Rome, avec une prédilection pour l’architecture et les angles d’approche biaisés. La galerie des dessins à la sanguine au Louvre est essentielle pour appréhender la matrice de son œuvre. Une Baie du péristyle de Saint-Pierre de Rome (1763, Musée de Valence) expose les principes de construction, fondée sur un « pas de côté » forçant une perspective de biais. Ce même principe qui prévaut vingt ans plus tard dans le Caprice architectural avec un canal (1783), pièce maîtresse venue du Musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg. De Rome, il revient à Paris, ses carnets remplis de motifs architecturaux qui emplissent ses toiles. Tout est faux chez Robert : il ne décrit pas, il construit ses paysages comme un architecte. Favorisé par les Salons et Versailles, son atelier ne désemplit pas de commandes. Son œuvre pléthorique est placée sur les cimaises de chaque maison aristocratique.

Moins connue, son activité de décorateur est à l’œuvre à la Laiterie de la reine à Rambouillet. Il est le maître d’œuvre du décor et de l’ameublement du domaine, de la porcelaine de Sèvres au mobilier fabriqué par les Frères Jacob pour Louis XVI. Nommé dessinateur des jardins du roi, il est aussi le successeur de Le Nôtre à Versailles. Dans son tableau, Le Bosquet des Bains d’Apollon lors de l’abattage des arbres (1777, Versailles), il est deux fois créateur : de la toile, mais aussi de la scène qu’il dépeint, la transformation de ce bosquet versaillais de son propre chef. La mise en abyme est passionnante.

Hubert Robert

Commissariat : Guillaume Faroult, conservateur en chef du patrimoine, departement des Peintures du Musée du Louvre
Nombre d’œuvres : env. 140

Hubert Robert (1733-1808) Un peintre visionnaire

Jusqu’au 30 mai, Musée du Louvre, Hall Napoléon, 75001 Paris, tél. 01 40 20 53 17, www.louvre.fr, tlj sauf mardi, 9h-18h, mercredi et vendredi jusqu’à 22h. Tarif unique 15 €. Catalogue, Coéd. Musée du Louvre Editions-Somogy, 540 p., 49 €.

Légende photo
Hubert Robert, L’Entrée du Tapis vert lors de l’abattage des arbres, 1777, huile sur toile, 124 x 191 cm, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, Versailles. © Photo : Château de Versailles, dist. RMN/Christophe Fouin.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°454 du 1 avril 2016, avec le titre suivant : Hubert Robert, le bâtisseur romanesque

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