Art contemporain

New Delhi (Inde)

Gérard Garouste, un prophète en Inde

Galerie nationale d’art moderne - Jusqu’au 29 mars 2020

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 26 février 2020 - 418 mots

« Je ne suis pas historien, pas philosophe, je mets en scène des histoires, la peinture les fait ensuite voyager, elle les dépose sur d’autres rétines que la mienne, réveille d’autres mémoires, d’autres morts, d’autres questions.

 » Cette phrase de L’Intranquille, Autoportrait d’un fils, d’un peintre, d’un fou, prend tout son sens aujourd’hui, où l’œuvre de Gérard Garouste est exposée à New Delhi. Soit une rétrospective composée de cinquante et une peintures et une sculpture de 2015, L’Indien et le Nid d’oiseau [voir p. 91]. Fruit de l’opiniâtreté de son marchand Daniel Templon à le défendre, et d’un soupçon de sel diplomatique, l’exposition « The Other Side » (L’autre côté) est la première d’un artiste étranger programmée à la National Gallery of Modern Art de New Delhi, institution fondée par Nehru dans les années 1950. Pourquoi Garouste ? Car qui mieux que le peintre, inlassable orpailleur des textes fondateurs, pouvait être compris par une nation où les mythes anciens résonnent si fortement encore dans le conscient collectif ? Et puis l’Inde colle à la peau de Garouste depuis les années 1980 et sa série des Indiennes qui avaient donné leur nom à l’exposition de la Fondation Cartier en 1988. Les Indiennes sont inspirées des grands tissus colorés importés d’Orient aux XVIIe et XVIIIe siècles sur lesquels étaient imprimés des motifs décoratifs et que Garouste reprend pour support de ses grandes compositions à l’acrylique. L’une d’entre elles, peinte en 1988, a fait justement le voyage à New Delhi ; on la qualifierait volontiers d’abstraite si elle ne portait pas ce titre : L’Ange de l’Annonciation (1988). « La peinture [de Garouste] est belle parce qu’elle a un contenu. Elle a donc besoin d’être déchiffrée, et réclame la même attention cérébrale qu’une installation savante », écrivait Hervé Gauville en 1988. À New Delhi, l’exposition est chapitrée comme un livre de contes : « Les Indiennes », « Les mythes personnels », « Dante », « Don Quichotte »… Le public indien a-t-il lu la Bible, le Talmud, Dante ou Cervantes ? Connaît-il l’histoire personnelle de Gérard Garouste ou celle de la cathédrale de Chartres ? Peut-être cela n’a-t-il pas d’importance. Qui maîtrise toutes ces histoires, après tout ? La peinture de l’artiste peut se lire aussi pour son évolution – passée d’une figuration informelle dans les années 1980 à une figuration plus apaisée dans les années 2000 –, pour la richesse de ses fonds sombres où éclatent des orange vifs, pour sa distorsion des corps et de l’espace qui peut faire songer à Greco, ou tout simplement pour sa peinture : puissante, indéniablement.

« Gérard Garouste. The Other Side »,
National Gallery of Modern Art, India Gate, Jaipur House, New Delhi (Inde), ngmaindia.gov.in

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°732 du 1 mars 2020, avec le titre suivant : Gérard Garouste, un prophète en inde

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