Non pas du tout. Nous avons simplement repris le vocabulaire policier – « indice », « preuve », « interrogatoire »… – de la mission initiale. Nous avons aussi voulu créer un lien avec le roman Meursault, contre-enquête de Kamel Daoud (2013)qui inverse le point de vue de L’Étranger d’Albert Camus pour exprimer cette fois le point de vue africain. Le catalogue explique très bien notre démarche. Nous essayons juste de proposer une autre façon de voir, d’ajouter quelque chose, mais pas de faire un procès. Nous voulons simplement comprendre ce que la mission a pu faire dans le contexte dans lequel elle était. Elle s’est aussi prononcée contre la colonisation, contre le racisme. Dans cette histoire il n’y a ainsi rien de tout noir et rien de tout blanc. Ce n’est donc absolument pas une contre-enquête à charge.
Nous ne nous faisions pas d’illusion. Nous avons quand même rencontré un homme qui avait dix ans à l’époque et qui est donc très âgé aujourd’hui. Mais plus que de vivants témoignages, nous voulions savoir s’il y avait une mémoire du passage de la mission, ce qui a été le cas dans deux localités, l’une au Mali et l’autre en Éthiopie. Nous voulions d’autre part connaître la version de l’histoire coloniale que nous avons transmise à ces populations. Il nous importait également d’avoir plus d’informations sur les coutumes, l’usage des objets et surtout de savoir si leurs propriétaires pouvaient s’en séparer facilement, à l’exemple des sculptures de jumeaux au Bénin, dont nous diffusons une vidéo. Nous avons appris par une famille qui conservait depuis plusieurs générations ce type d’objets qu’il s’agissait d’images d’ancêtres, de la représentation de jumeaux décédés et qu’en aucun cas ils n’avaient le droit de s’en séparer. Nous avons enfin pu identifier un certain nombre de personnes qui avaient été des interlocuteurs de la mission.
Il y a effectivement beaucoup de pays où nous n’avons pas pu nous rendre. En revanche, nos collègues commissaires africains, eux, ont pu aller sur place, à l’exception du Pays Dogon. Un autre volet de notre contre-enquête concerne une recherche sur des archives qui sont à Paris et à Nanterre. Et avec ces collègues qui sont venus ici entre un et trois mois, nous avons pu travailler ensemble et consolider des informations sur les modalités d’acquisition de tous ces objets.
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Gaëlle Beaujean : « Ce n’est absolument pas une contre-enquête à charge »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°786 du 1 juin 2025, avec le titre suivant : Gaëlle Beaujean : « Ce n’est absolument pas une contre-enquête à charge »