Art ancien

Redécouverte

François-André Vincent sort de l’oubli

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 13 novembre 2013 - 586 mots

Ce contemporain de David et précurseur du romantisme fait l’objet d’une toute première rétrospective au Musée des beaux-arts de Tours.

TOURS - Tout vient à point à qui sait attendre. Après avoir claqué la porte du Musée du Louvre en 2003, Jean-Pierre Cuzin est allé muser un temps du côté de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA), en qualité d’adjoint au directeur général. La bonne nouvelle pour l’histoire de l’art est qu’il a pu consacrer plus de temps à un travail de recherche commencé en 1970 sous la direction d’André Chastel et Antoine Schnapper : la monographie et le catalogue raisonné de l’œuvre de François-André Vincent (1746-1816). Pour marquer la publication de cet ouvrage de référence par Arthena, l’ancien conservateur des Peintures du Louvre a participé à la sélection des œuvres de la première exposition jamais consacrée à l’artiste, au Musée des beaux-arts de Tours avant le Musée Fabre à Montpellier (8 février-11 mai 2014).

Libre Vincent
Retracer la biographie et l’œuvre de Vincent est un sujet d’autant plus passionnant que le personnage est aussi insaisissable que surprenant. De deux ans l’aîné de Jacques-Louis David, Vincent a trouvé en ce rival un adversaire imbattable. Quant à la postérité du peintre officiel de Napoléon, elle était assurée par les jeunes pousses qu’il couvait dans son atelier à Paris puis à Bruxelles. La place d’éternel second ne l’intéressant pas, Vincent, pourtant parfait produit du système académique, semble avoir choisi la liberté. Le voici donc jonglant avec les sujets antiques (Alcibiade recevant les leçons de Socrate, 1777), historiques (Molé et les factieux, 1779) et mythologiques. Capable de commettre des portraits intimes des plus facétieux (mais aussi parfois fort ennuyeux), Vincent est également un dessinateur et un caricaturiste étonnant – une sélection de feuilles sera présentée au Musée Cognac-Jay à Paris du 26 mars au 30 juin 2014. Pour avoir sans cesse adapté son style au sujet, Vincent est le premier responsable de son éclipse sous de mauvaises attributions – Fragonard et David bien sûr, mais aussi Largillière, Gros, Boilly, Tiepolo ou Delacroix. Le Portrait de Lemonnier à la tête bandée (1774-1775), longtemps donné à Géricault, trahit la longueur d’avance que Vincent avait sur David…

Jean-Pierre Cuzin en est le premier à s’en désoler : Vincent est un objet à la forme si particulière qu’il n’existe aucun coffret pour l’y ranger. Aussi l’Histoire l’a-t-elle égaré, coincé entre Fragonard et David. Et le commissaire de s’interroger : Vincent est-il un petit-maître ou un grand peintre ?
Incomplète en raison de la disparition de nombreuses œuvres et l’impossibilité d’en faire venir certaines, l’exposition de Tours lève le voile sur un peintre de fulgurances. Si le style, et son panache, est irrégulier, le talent de coloriste est immense. Il suffit d’observer les tenues du couple d’Arria et Poetus (dans la version du Saint Louis Art Museum) ou le Portrait de Sara Calmer dans un paysage (1793-1794) pour s’en convaincre. Vincent fait rarement dans le camaïeu ou l’harmonie subtile, mais donne dans la couleur franche et vibrante, les contrastes exacerbés. Une audace d’autant plus inattendue que l’homme était protestant, élevé dans l’humilité des tenues et la discrétion des couleurs.

Il sera intéressant de comparer l’exposition de Tours avec celle de Montpellier. Si la riche décoration des salles du palais archiépiscopal tourangeau du XVIIe siècle fait joliment écho à la diversité de l’œuvre de Vincent, elle a tendance à distraire le regard. La scénographie plus sobre que devrait privilégier le Musée Fabre sera sans doute plus propice à l’observation de toutes les facettes de Vincent.

François-André Vincent 1746-1816. Un artiste entre Fragonard et David,

jusqu’au 19 janvier 2014, Musée des beaux-arts, 18, place François-Sicard, 37000 Tours, tél. 02 47 05 68 82, www.mba.tours.fr, tlj sauf mardi et jours fériés 9h-18h. Publication, « Vincent. Entre Fragonard et David », Arthena, 576 p., 735 ill., 125 €.

Commissariat : Jean-Pierre Cuzin, ancien conservateur général du département des Peintures du Musée du Louvre ; Isabelle Mayer-Michalon, docteure en histoire de l’art ; Sophie Join-Lambert, directrice du Musée des beaux-arts de Tours ; Michel Hilaire, directeur du Musée Fabre à Montpellier ; Véronique Moreau, chargée des collections de peintures du XIXe siècle au Musée de Tours ; Olivier Zeder, chargé des collections de peintures et de sculptures anciennes au Musée Fabre.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°401 du 15 novembre 2013, avec le titre suivant : François-André Vincent sort de l’oubli

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