Art contemporain

XXE SIÈCLE

À Clermont-Ferrand, un Pollock bouleversant

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 12 juillet 2022 - 516 mots

CLERMONT-FERRAND

Le Frac Auvergne offre à Charles, nettement moins connu que son frère Jackson, une splendide rétrospective pleinement justifiée.

Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). L’œuvre de Charles Pollock (1902-1988) s’est longtemps effacée derrière celle de son frère cadet, Jackson. Sa fille, Francesca, l’explique dans un livre paru cette année (1) : cherchant les raisons de cette discrétion, son récit en donne à lire les ressorts terribles. Aujourd’hui, les archives de l’artiste américain, qui s’était installé à Paris en 1971 avec son épouse et leur fille, sont en ordre, ses toiles ont été restaurées. En les réceptionnant, Jean-Charles Vergne, le directeur du Frac Auvergne et commissaire de l’exposition, a même été surpris de trouver en si bon état des tableaux dont certains datent des années 1950. Pour cette rétrospective, il en a sélectionné une trentaine, plus une vingtaine de dessins, renonçant au dernier moment à certaines pièces pour faire plus de place aux silences dans lesquels peut se déployer la peinture.

Chronologique, le parcours permet de rendre intelligible la lente décantation d’un travail qui passe de la figuration à l’abstraction, et atteint tardivement la jubilation de la couleur. Les moments-clés sont explicités par quelques œuvres : au rez-de-chaussée un grand tableau de la série des « Chapala », mêlant signes graphiques et aplats colorés, témoigne de l’intérêt de Pollock pour la calligraphie – qu’il enseigna –, et du fait qu’il regarda la peinture de Paul Klee. Avec ses bruns et ses ocres, Chapala 13 (1956) parle également de l’influence chromatique qu’eut sur l’artiste un séjour au Mexique. Les grandes toiles des séries « Black and Gray », « Untitled (Black) » et « Rome » déclinent ensuite le principe de fonds unis, que l’on dirait pour certains feutrés, dans des teintes crépusculaires de vert ou de mauve sur lesquelles se détachent des formes noires aux contours irréguliers, frangées de fines coulures. Les masses sombres et la ténuité de ces écoulements confèrent à ces tableaux une forte densité vibratoire. Pollock, qui séjourne à Rome en 1963, regarde les artistes du passé, avec une prédilection pour les primitifs italiens. Les jus bistre ou bleutés contiennent autant la trace de cette admiration que le souvenir des églises visitées en Europe.

Ces séries cèdent ensuite la place à de merveilleuses compositions colorées magnifiées par l’accrochage : ici une salle intimiste est réservée à trois tableaux post-Rome, là des embrasures isolent deux toiles de 1968 (#99 et 100# Stack). Les grands formats réalisés l’année suivante à New York sont traversés de flammèches telles des comètes passant dans l’atmosphère. L’œuvre évoque souvent un ciel longuement observé depuis la fenêtre : ce que suggèrent deux toiles de la série « Passim » alignées par le bas, comme si le spectateur était invité à s’accouder au rebord de leurs cadres.

Nulle gestuelle expansive dans cette peinture transcendante, tout juste, dans NYa43, qui clôt le parcours, perçoit-on la vitesse d’un coup de pinceau laissant un trait en suspens. Cette toile, que l’on verra à nouveau à la galerie parisienne ETC cet automne, aurait sa place dans les collections d’un musée français : aucun d’eux ne possède encore d’œuvre de l’artiste.

(1) Francesca Pollock, Mon Pollock de père, éd. L’Atelier contemporain.

Charles Pollock,
jusqu’au 18 septembre, Frac Auvergne, 6, rue du Terrail, 63000 Clermont-Ferrand.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°593 du 8 juillet 2022, avec le titre suivant : À Clermont-Ferrand, un Pollock bouleversant

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque