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Claude Debussy entre les notes

Par Colin Lemoine · L'ŒIL

Le 22 février 2012 - 406 mots

Vertigineuse, l’exposition que l’Orangerie consacre à Debussy (1862-1918) explore une œuvre orchestrée et une période polyphonique. L’art, cet instrument de la passion.

Il faut imaginer un vaste salon. Dans le coin, un piano. Des femmes, dans des robes en mousseline, onctueuses. Des hommes, dans des costumes noirs, impeccables. Les unes écoutent, parfois jouent, les autres écrivent, souvent récitent. Cela ressemble à un tableau de Vuillard, à une certaine domesticité de l’art (Personnages dans un intérieur, 1896). Cela ressemble à ces deux sœurs allègres qui, sous l’œil de Renoir, déchiffrent une partition dans une pièce habillée par des toiles de Degas, quand musique et peinture faisaient si bon ménage (Yvonne et Christine Lerolle au piano, 1897).

Symboles et mystères
La peinture, Debussy la fréquenta assidûment. La peinture préraphaélite, bien entendu, qu’il découvrit dans sa jeunesse, notamment depuis la Villa Médicis, à Rome, et dont les divagations quintessenciées, voire perverses, étaient susceptibles de nourrir sa prédilection tenace pour le mystère. La peinture symboliste, aussi, celle d’obédience décorative, comme chez Maurice Denis (Les Muses, 1893), ou celle de confession métaphysique, comme chez Odilon Redon.

Denis et Redon, deux artistes que soutinrent trois hommes liés d’autant plus fraternellement qu’ils étaient mariés à trois sœurs : le compositeur Ernest Chausson, le conseiller d’État Arthur Fontaine et le peintre Henry Lerolle. Un trio infernal chez qui l’on peut croiser Gide, Valéry ou, mieux encore, Degas, un peintre qui ne cessa d’obséder Debussy (Marine, 1873).

Formes et matériaux
Sensible aux redécouvertes antiques, dont allait s’emparer le dionysiaque Nijinski dans L’Après-Midi d’un faune (1912) [le spectacle est actuellement diffusée dans l’exposition « Danser sa vie » au Centre Pompidou], séduit par les raffinements matiéristes, Debussy ferait presque figure de formaliste, possiblement attentif à la plasticité de la langue de Mallarmé, à l’architecture d’une toile de Gauguin (Marine avec vache, 1888) ou à un grès émaillé de Carriès (Vase, 1904).

Le compositeur travailla de concert avec Maeterlinck (Pelléas et Mélisande, 1902), D’Annunzio ou Bakst (Projet de costume pour Ida Rubinstein, 1911), s’éprit des symphonies chromatiques de Turner et Whistler (Variations en violet et vert, 1871) et fit du dessin son violon d’Ingres. Libre, indépendant.

Par ses dates, la vie de Debussy se superposa à celle de Klimt, un artiste dont certaines toiles, comme ces Rosiers sous les arbres (1905), résonnent avec la dernière manière du compositeur. À l’unisson.

« Debussy, la musique et les arts »

Musée de l’Orangerie, Jardin des Tuilerie, Paris-1er, jusqu’au 11 juin 2012, www.musee-orangerie.fr

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°644 du 1 mars 2012, avec le titre suivant : Claude Debussy entre les notes

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