Italie - Photographie

XXE SIÈCLE / VISITE GUIDÉE

Chromotherapia, une histoire déjantée de la photographie couleur

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 29 avril 2025 - 661 mots

L’exposition interroge le rôle et l’impact de la photographie couleur de 1930 à aujourd’hui.

Maurizio Cattelan & Pierpaolo Ferrari © Toiletpaper
Maurizio Cattelan & Pierpaolo Ferrari, Toiletpaper.
© Toiletpaper

Rome (Italie). Quand Maurizio Cattelan a contacté Sam Stourdzé pour lui soumettre l’idée d’un livre sur une histoire de la photographie pop, surréelle et glamour, qu’il avait envie de concevoir avec lui, le directeur de la Villa Médicis était alors en pleine préparation de l’exposition « Voir le temps en couleurs. Les défis de la photographie » pour le Centre Pompidou-Metz. La réalisation du livre les a rapidement conduits « à concevoir aussi une exposition pour la Villa Médicis à partir d’une liste de photographes, établie de part et d’autre, et ramenée à 18 noms », explique Sam Stourdzé. « L’idée était de placer la couleur de Toiletpaper dans le champ de l’histoire de la photographie couleur des années 1930 à nos jours. Car je pense que nous sommes les fils de plusieurs pères, et dans le cas de Toiletpaper de plusieurs photographes », souligne Maurizio Cattelan. Il s’agissait donc de mettre en regard pour la première fois les images de la revue qu’il a créée en 2010 avec le photographe publicitaire et de mode Pierpaolo Ferrari, avec celles de photographes de générations et d’horizons différents, certains de renom, d’autres moins afin d’interroger leur place dans l’histoire de la photographie couleur.

Une collaboration bien établie

Maurizio Cattelan et Sam Stourdzé ont déjà collaboré ensemble. La première fois, c’était en 2016 dans le cadre de l’exposition consacrée à Toiletpaper, programmée aux Rencontres d’Arles que dirigeait alors Sam Stourdzé. Elle présentait quelques-uns des numéros aux couvertures et images aux couleurs saturées et mises en scènes surréalistes. La seconde fois où Sam Stourdzé a invité les deux créateurs de Toiletpaper, ce fut en 2021-2022 à la Villa Médicis dont il avait pris les rênes, pour une installation photo dans les jardins, conçue de concert avec Martin Parr à partir des images du numéro ToiletMartin PaperParr, publié en 2020.

Vue de l'exposition CHROMOTHERAPIA : La photographie couleur qui vous fait du bien à la Villa Médicis. © Daniele Molajoli
Vue de l'exposition « CHROMOTHERAPIA : La photographie couleur qui vous fait du bien » à la Villa Médicis.
© Daniele Molajoli


Avec « Chromotherapia : The Feel Good-Color Photography », Maurizio Cattelan et Sam Stourdzé offrent une amorce de réflexion sur les usages et les perceptions autant que sur la place et la considération au cours de près d’un siècle de cette photographie couleur qui provoque, dérange tant par l’intensité de ses coloris que par ses fictions décomplexées ou subversives. Le titre accrocheur de l’exposition « Chromotherapia », – thérapie par la couleur –, et le sous-titre « La photographie qui vous fait du bien », s’adressent d’ailleurs autant à celui qui regarde l’image en question qu’à celui qui l’a créée.

Vue de l'exposition CHROMOTHERAPIA : La photographie couleur qui vous fait du bien à la Villa Médicis. © Daniele Molajoli
Vue de l'exposition « CHROMOTHERAPIA : La photographie couleur qui vous fait du bien » à la Villa Médicis.
© Daniele Molajoli
Penser à autre chose

« Dans les temps sombres où vivons actuellement, la couleur est aussi nécessaire qu’un shoot d’héroïne. On a besoin d’oublier les problèmes quotidiens ; on a besoin de penser à autre chose qu’à l’état actuel du monde », relève Maurizio Cattelan. Leur sélection a d’ailleurs écarté les photographes relatifs au documentaire et les grands maîtres américains ou italiens de la photographie couleur. La place réservée aux photographies du Toiletpaper se limite de son côté à un seul et unique wall paper de revue introduisant chaque chapitre, excepté pour le chapitre « Foodoroma » où des photos de Pierpaolo Ferrari sont juxtaposées avec celles de Martin Parr et de la jeune nigériane Ruth Ginika Ossai (1991).

Les premières salles réunissant Erwin Blumenfeld (1897-1969) et Harold Edgerton (1903-1990) ou Guy Bourdin et Hiro séduisent, moins la dernière partie consacrée au portrait, trop surchargée en photographies pour la configuration étroite de l’espace. C’est surtout l’association improbable et inédite de photographes qui fait l’intérêt de cette histoire de la photographie couleur ébauchée. La mise en regard des chats de Walter Chandoha (1920-2019) et des chiens de William Wegman (né en 1943), au-delà de l’aspect ludique, fait côtoyer deux photographes appartenant à des mondes photographiques distincts, imperméables et incompatibles aux yeux des historiens de la photo, du moins jusqu’à peu. Ailleurs, c’est l’association des clichés de voitures accidentées réalisés par le policier Arnold Odermatt (1925-2021) pour des assurances avec les inquiétantes scènes fantastiques de l’Américaine Sandy Skoglund (née en 1946) qui retient par l’atmosphère d’étrangeté que crée leur association.

Vue de l'exposition CHROMOTHERAPIA : La photographie couleur qui vous fait du bien à la Villa Médicis. © Daniele Molajoli
Vue de l'exposition « CHROMOTHERAPIA : La photographie couleur qui vous fait du bien » à la Villa Médicis.
© Daniele Molajoli
Chromotherapia. La photographie couleur qui vous fait du bien,
jusqu’au 9 juin, Académie de France à Rome – Villa Médicis, Viale della Trinità dei Monti, Rome, Italie.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°654 du 25 avril 2025, avec le titre suivant : Chromotherapia, une histoire déjantée de la photographie couleur

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