Art contemporain

C’est l’histoire de... petits cailloux

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 29 janvier 2008 - 715 mots

Le Centre d’art contemporain de Quimper présente le Sanejouand sculpteur de... « non-sculptures ». Une non-contradiction pour cet artiste qui dit conférer des « allures classiques » à ses cailloux...

'Le Magicien' (1996-2005)Bronze - 510 cmRennes

Au Quartier à Quimper, le parcours actualise et resserre l’œuvre autour de la sculpture, devenue centre de gravité de l’artiste, qui insiste : « Je ne suis plus un plasticien qui fait des objets qu’il baptise sculptures comme je l’ai fait pour les Charge-objets. Je suis un plasticien qui fait des sculptures. »
Tout commence par une histoire de petits cailloux. Sanejouand, qui confesse avoir avec eux un lien tout personnel, les cueille depuis toujours au hasard de ses promenades. Au début des années 1960, il leur cherche un équilibre, une disposition,  les aligne d’abord, les répartit, les empile, en fait même les acteurs d’un jeu aux règles complexes et les glisse parfois dans ses Charge-objets.

La procédure se déplace sérieusement en 1989. Sanejouand collecte toujours ses petits cailloux, beaucoup – des silex souvent – , mais il trie, cherche des formes et en fait des sculptures. En réalité de menus assemblages sans retouche qu’il peint en noir. La plupart sont figuratifs mais sans aucune correction ni assistance de la main, d’où la difficulté de la cueillette. Un anthropomorphisme ou zoomorphisme pur « fruit du hasard minéral ». Devrait en résulter et en résulte parfois des sculptures monumentales en bronze, sortes d’exactes mises à l’échelle spectaculaires des petites sculptures, voulues comme des maquettes, conçues pour être agrandies.

L’esprit des formes
À Quimper, Sanejouand installe les deux états viables de ces assemblages, « Sculptures-bibelots », ou maquettes, disposés sur des plates-formes de hauteurs variables ou projetées sous forme de diaporama et reproductions photographiques des monuments en bronze déjà réalisés.

Une chose frappe : ni l’un ni l’autre ne font figure de version réduite ou dilatée de l’un ou l’autre. Le format importe peu. Les deux états exposés à différentes hauteurs de vue détaillent leurs constantes formelles : des arêtes vives et une asymétrie résolue. Ainsi, Le Magicien (1996-2005), masse verticale coiffée d’une petite tête accidentée et plantée devant la gare de Rennes, assume-t-il son étrangeté, ses changements d’axes et ses lectures contradictoires. Même balancement pour Le Silence (1989-1996), se donnant des allures apparemment orthodoxes d’homme accroupi.

« La contradiction n’affole que les Occidentaux », savoure l’intéressé qui n’aime rien moins que la capacité de métamorphose de ces grands et lourds bronzes. « Je crois, admet Sanejouand, que je cherche avant tout à leur donner des allures de sculpture classique. » Et au premier mais rapide coup d’œil, le leurre est certain. Ce n’est que très hypothétiquement ou très lentement que se comprend l’improbable assemblage minéral et que la sculpture retourne à ses nœuds conceptuels.

Informations pratiques

Exposition « Jean-Michel Sanejouand » du 26 janvier au 23 mars 2008.
Le Quartier, centre d’art contemporain, 10, esplanade François-Mitterrand, Quimper (29). Ouvert du mardi au samedi de 10h à 12h et le dimanche de 14h à 18h. Tarif : 1,50 €. Entrée libre le dimanche. Tél. 02 98 55 55 77, www.le-quartier.net

Sanejouand dans l’espace public
Les promeneurs peuvent découvrir des œuvres de Jean-Michel Sanejouand dans deux espaces publics en France. À Paris, est exposé dans le hall du ministère de la Culture, immeuble des Bons-Enfants, rue Saint-Honoré, le double diptyque Le Laboureur (2004). Sur la place de la gare de Rennes trône depuis 2005 Le Magicien, une version monumentale d’une sculpture consistant en un assemblage de deux pierres ramassées au cours de promenades.
Par ailleurs, plusieurs musées français conservent et exposent des travaux de l’artiste : le centre Pompidou, le musée d’Art contemporain à Lyon, le musée d’Art moderne à Villeneuve d’Ascq, le musée de l’abbaye Sainte-Croix aux Sables-d’Olonne et encore le musée d’Art moderne et contemporain à Strasbourg.

À suivre, la série des « Espaces-critiques »
à Château-Gontier. Dans le prolongement de l’exposition du centre d’art le Quartier à Quimper, qui se concentre sur l’œuvre sculptée de Jean-Michel Sanejouand, les amateurs découvriront du 21 juin au 24 août 2008 au « Carré » de Château-Gontier la série des Espaces-critiques. L’artiste invente depuis 2002 ces pseudo-paysages à partir principalement de ses sculptures mais aussi de ses Calligraphies d’humeur, peintures ou Charge-objets. Reste à déterminer si l’artiste cite, résume ou se réapproprie véritablement ses réalisations antérieures pour en offrir une nouvelle lecture. www.le-carre.org

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°599 du 1 février 2008, avec le titre suivant : C’est l’histoire de... petits cailloux

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