Exposition

Ces artistes fascinés par la scénographie

Par Anne-Cécile Sanchez · L'ŒIL

Le 25 novembre 2025 - 543 mots

Les artistes contemporains participent de plus à plus à la mise en espace de leurs œuvres lors d’expositions. Tour d’horizon.

Des paysages uniformément gris cendre, peuplés de silhouettes immobiles, entre diorama géant et lendemain d’apocalypse : les monumentales installations conçues par Hans Op de Beeck (né en 1969) – auquel le Musée des beaux-arts d’Anvers a consacré l’été dernier une exposition d’envergure « Voyage nocturne » – immergent les visiteurs dans des décors fantomatiques et familiers, à la frontière du rêve (une exposition a aussi été présentée à la galerie Templon à l’automne, à Paris). C’est à un bain de couleurs en revanche que le public a été invité à plonger en découvrant l’univers d’Ulla von Brandenburg (née en 1974) : l’artiste allemande avait déployé lors de son exposition au Palais de Tokyo (2020-2021) de gigantesques rideaux monochromes. Dans un registre différent, l’œuvre de Mickalene Thomas (née en 1971), célébration de la féminité noire à travers des peintures chatoyantes incrustées de strass, a volontiers recours, elle aussi, à une atmosphère théâtrale, comme ont pu le constater l’été dernier les visiteurs de sa rétrospective au Musée des Abattoirs, à Toulouse, visible au Grand Palais à partir du 17 décembre. L’artiste américaine avait notamment aménagé pour sa série des lutteuses (« Brawlin’ Spitfire Wrestlers ») un écrin lambrissé meublé de larges poufs en cuir rouge. On pourrait citer également les dispositifs immersifs d’Anri Sala (né en 1974), associant dans une esthétique épurée images vidéo, son et architecture, les brouillards « sculptés » de Fujiko Nakaya (née en 1933), les installations de Laure Prouvost (née en 1978) entremêlant vidéo, tapisseries, céramiques et sculptures. On se souvient aussi de la magistrale mise en scène d’une sélection d’œuvres de la Collection Beyeler, à Bâle, imaginée en 2024 par le Britannique Tino Sehgal (né en 1976). Son accrochage évoluait en permanence pendant les horaires d’ouverture sous les yeux des visiteurs, en s’affranchissant des règles de présentation statique. Les artistes contemporains conçoivent de plus en plus leurs expositions comme des œuvres en soi, orchestrant l’agencement de leur propre travail dans les espaces qu’ils investissent et dont ils peuvent même parfois modifier l’architecture – à l’instar du solo show de Wade Guyton (né en 1972) en 2023, à la Galerie Chantal Crousel, où l’artiste américain avait dévoilé deux fenêtres originelles de la galerie parisienne.Mathilde Roman consacre dans son livre (Habiter la scénographie, Éditions Manuella, 2025) plusieurs pages aux grandes figures qui ont marqué la scénographie (en particulier les Italiens, comme Franco Albini, Carlo Scarpa, Lina Bo Bardi…). L’autrice souligne également combien leurs expérimentations (avec les socles, les murs, le sol, les assises…) sont depuis quelques années regardées de près par les artistes contemporains tels que Pierre Huyghe, Tatiana Trouvé, Philippe Parreno, Dominique Gonzalez-Foerster ou Danh Vo qui en revendiquent volontiers l’héritage. Au risque parfois de brouiller les pistes entre installation et scénographie, comme cela a pu être le cas lors de la dernière Biennale de Lyon, en 2024. L’artiste britannique Grace Ndiritu (née en 1982) y signait la riche exposition « The Blue Room », à partir d’objets issus de collections de différents musées locaux et nationaux dialoguant avec ses propres œuvres. Invités à enlever leurs chaussures, les visiteurs faisaient l’expérience d’un espace baigné d’une lumière bleutée au sein duquel ils ont pu renouveler leur regard sur les formes.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°791 du 1 décembre 2025, avec le titre suivant : Ces artistes fascinés par la scénographie

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