Art contemporain

Paris-4e

Bacon en V.O. non sous-titrée

Centre Pompidou - Jusqu’au 20 janvier 2020

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 26 septembre 2019 - 375 mots

PARIS

La promesse était pourtant alléchante : un peu plus de trente ans après sa rétrospective du peintre britannique, le Centre Pompidou se proposait d’exposer les œuvres des vingt dernières années de Francis Bacon, mort à 82 ans en 1992, en les mettant en perspective avec la littérature de six auteurs choisis dans la bibliothèque du peintre (Eschyle, Nietzsche, Bataille, Leiris, Conrad et Eliot).

Le propos était pertinent : grand lecteur, Bacon possédait plus d’un millier d’ouvrages dans sa bibliothèque, lesquels n’ont eu de cesse de nourrir sa peinture. Restait à trouver la bonne idée pour articuler la littérature et la peinture au sein de l’accrochage. La solution trouvée est ingénieuse : découpé entre onze salles, le parcours est ponctué par six boîtes hermétiques dans lesquelles sont diffusés des extraits sonores des livres élus. La littérature se lit, mais elle s’écoute aussi, dit en creux l’exposition, qui diffuse donc des extraits de La Naissance de la tragédie de Nietzsche et de la définition de l’« abattoir » par Bataille, lus par Mathieu Amalric, Jean-Marc Barr, Hippolyte Girardot et d’autres. Ces boîtes de lecture forment autant de mausolées dans lesquels les livres écornés par le peintre sont enfermés dans des vitrines, tels des reliques. Elles sont autant de moments de respiration dans l’enchaînement d’une peinture torturée, à la limite, pour qui veut bien la regarder, de l’insoutenable. La promesse était donc alléchante, dommage que l’exposition prenne le parti, radical, de refuser tout texte d’explication. Aucun cartel, ni à l’entrée des salles, ni près des tableaux, n’est là pour guider le visiteur dans la vie et la mythologie de Bacon. Pourquoi rapprocher Les Euménides, troisième volet de L’Orestie d’Eschyle, des grands tableaux consacrés à feu George Dyer, quand le spectateur ne sait pas que Bacon se sent coupable de la disparition de son amant, mort par suicide la veille de son exposition au Grand Palais en 1971. Car de Dyer, l’exposition ne dit rien, pas plus qu’elle ne raconte le crime d’Oreste. À moins d’une illumination, le visiteur se voit donc contraint d’enchaîner les soixante grands tableaux de Bacon ici réunis jusqu’à la nausée, comme autant de coups de poing assenés dans le ventre. Certes Francis Bacon était un amateur de boxe, mais de cela aussi, l’exposition ne dit rien.

« Bacon en toutes lettres », Centre Pompidou, place Georges-Pompidou, Paris-4e, www.centrepompidou.fr

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°727 du 1 octobre 2019, avec le titre suivant : Bacon en V.O. non sous-titrée

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