Centre d'art

Un avenir encore flou pour le nouveau centre d’art de Carcassonne

Par Éva Hameau · Le Journal des Arts

Le 24 juin 2025 - 762 mots

CARCASSONNE

La « Ville Basse » a inauguré son centre d’art le 5 juin dernier avec une programmation retentissante. Son orientation artistique et budgétaire reste pour l’heure imprécise.

Carcassonne (11). Un centre d’art gratuit au cœur de la Bastide Saint-Louis, accueillant de grands noms de l’art contemporain et des artistes émergents du territoire : ce rêve, le maire de Carcassonne (Divers droite) le caressait depuis près de vingt ans. Alors, difficile pour Gérard Larrat de cacher son émotion le soir de l’inauguration du tout nouveau Centre d’art contemporain de Carcassonne. Exposition hors-les-murs de Richard Orlinski, installation participative chapotée par le studio de JR, exposition inaugurale regroupant une soixantaine d’artistes, parmi lesquels Louise Bourgeois, François Morellet et Hans Bellmer : la mairie a vu les choses en grand pour marquer les esprits. De nombreuses interrogations subsistent cependant au sujet des orientations artistiques et budgétaires de cette régie directe municipale, qui accueillera chaque année plusieurs résidences de création et des expositions temporaires.

Ancien hôtel particulier du XVIIIe siècle ayant abrité les locaux d’une succursale de la Banque de France, ainsi que l’appartement de ses directeurs successifs, de 1858 à 2021, l’immeuble a été racheté en 2022 (et rapidement mis en location) par Vincent Attal, investisseur immobilier de l’Aude à l’activité florissante. Une aubaine pour la mairie de Carcassonne, alors à la recherche d’un écrin pour son futur Centre d’art contemporain. Et la Ville n’a pas perdu de temps : quelques mois seulement après la signature du bail, l’architecte des bâtiments de France (ABF) a été sollicité – le centre d’art est situé dans une zone classée « Monument historique » – et les travaux de réhabilitation du bâtiment en centre d’art (1 200 m², dont 600 m² de surface d’exposition) ont démarré en février 2025. Construction d’un ascenseur garantissant l’accessibilité des espaces aux personnes à mobilité réduite, implantation d’un système de traitement d’air et d’un faux plafond camouflant 18 kilomètres de câbles, rénovation des murs et planchers « à l’identique », selon les préconisations de l’ABF : l’ensemble des travaux a été réalisé en quatre mois pour un montant de 350 000 euros (30 000 financés par la Ville, le reste par la SAS d’Attal). La scénographie et le commissariat de l’exposition inaugurale ont été confiés à l’agence d’ingénierie culturelle Solelhar dans le cadre d’une assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO).

« Ce nouvel espace n’est pas un musée mais un centre d’art », répète inlassablement Gérard Larrat depuis des mois. Pourtant, « Au-delà du visible : les mondes imaginaires de l’artiste » s’apparente davantage à un accrochage de collection muséale qu’à une exposition de centre d’art, et pour cause : l’exposition propose un dialogue entre plusieurs générations d’artistes contemporains, mais elle présente aussi des œuvres d’artistes plus anciens, dont la pratique relève de l’art moderne. Les salles thématiques explorent d’ailleurs des notions et mouvements typiques de l’art moderne, comme la « psychanalyse et le surréalisme », « l’onirisme » et « l’abstraction ». La commissaire, Adalaïs Choy-Descamps, explique : « La mairie souhaitait que l’exposition soit accessible à des publics qui n’ont pas forcément l’habitude de fréquenter des espaces dédiés à l’art contemporain. » Elle a donc fait le choix de placer l’art figuratif en début de parcours afin de proposer une déambulation progressive vers des démarches artistiques plus difficiles à appréhender.

Pas tout à fait un centre d’art

Une approche très éloignée du fonctionnement des centres d’art contemporain, lesquels consacrent leurs expositions à des artistes vivants, pour la plupart en début de carrière. À Carcassonne, seule une dizaine d’œuvres a été prêtée par des artistes émergents : toutes les autres – à l’exception de deux pièces provenant du Musée des beaux-arts de la ville – proviennent des collections privées de Jacques Font et Frédérick Lux. Les deux collectionneurs occitans seront-ils sollicités pour les futures expositions du centre d’art ? Impossible à dire pour le moment : le Centre d’art contemporain ne dispose pas encore de projet artistique et culturel détaillant les grandes orientations de la structure, la directrice générale et artistique prenant ses fonctions à la mi-juin.

Une identité artistique encore floue, et des perspectives budgétaires qui ne le sont pas moins : la mairie indique que le centre d’art sera doté d’un budget de fonctionnement annuel de 120 000 à 180 000 euros. Le centre d’art ne bénéficie pas (encore) de subventions de fonctionnement d’autres collectivités territoriales et de l’État. Tout l’enjeu de cette première année sera justement de trouver des partenaires susceptibles d’augmenter le budget de la structure. Incertitude également du côté de la programmation artistique : l’équipe du centre d’art, composée de six personnes, assurera-t-elle le commissariat des prochaines expositions ou la Ville sollicitera-t-elle à nouveau l’agence Solelhar, dont l’AMO (40 000 euros pour un an) s’achève fin 2025 ?

Le Centre d'art contemporain de Carcassonne. © Ville de Carcassonne
Le Centre d'art contemporain de Carcassonne.
© Ville de Carcassonne

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°658 du 20 juin 2025, avec le titre suivant : Un avenir encore flou pour le nouveau centre d’art de Carcassonne

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