Disparition - Mode

Mort de Pierre Cardin, monument de la mode

Par LeJournaldesArts.fr (avec AFP) · lejournaldesarts.fr

Le 30 décembre 2020 - 851 mots

PARIS

Le célèbre couturier est décédé mardi 29 décembre à Paris à l’âge de 98 ans.

Portrait officiel de Pierre Cardin, 1992 © Claude Iverné / Elnour, CC-BY-SA-3.0
Portrait officiel de Pierre Cardin, 1992.
© Claude Iverné / Elnour

Une page de l'histoire de la mode s'est refermée mardi avec le décès à l'âge de 98 ans du couturier français Pierre Cardin, qui a marqué son époque avec ses créations futuristes, ses produits dérivés et son imagination sans limite. Fils d'immigrés italiens devenu un homme d'affaires au nom mondialement connu, Pierre Cardin est mort dans la matinée à l'hôpital américain de Neuilly-sur-Seine, à l'ouest de Paris, a annoncé sa famille à l'AFP.

« Jour de grande tristesse pour toute notre famille, Pierre Cardin n'est plus. Le grand couturier qu'il fut a traversé le siècle, laissant à la France et au monde un héritage artistique unique dans la mode mais pas seulement », écrivent ses neveux et nièces dans un communiqué.

Le président de la République et son épouse saluent « la mémoire d’un créateur singulier dont les vitrines à deux pas de l’Élysée leur rappellent quotidiennement le génie visionnaire », a écrit l'Elysée dans un communiqué, estimant que « la haute-couture française est orpheline de son doyen et de l’un de ses esprits les plus avant-gardistes ».

Avant beaucoup d'autres, Pierre Cardin avait ouvert un « corner » dans un grand magasin. Et il avait adopté à l'échelle mondiale un système de licences qui assurait une diffusion planétaire de son nom, sur des produits aussi divers que cravates, cigarettes, parfums ou eau minérale. « Mon but, moi, c'était la rue, que mon nom et mes créations soient dans la rue. Les célébrités, les princesses ce n'était pas ma tasse de thé. Je les respectais, je dînais avec elles, mais je ne les voyais pas dans mes robes », disait-il.

« Couturier, designer, ambassadeur de la France, académicien, mécène, tout au long de sa vie, Pierre Cardin aura mené bel ouvrage. Merci Monsieur Cardin de m'avoir ouvert les portes de la mode et d'avoir rendu mon rêve possible », a écrit sur Twitter le couturier Jean-Paul Gaultier, lancé par Cardin. « Pour lui, la création n'avait pas de cloisonnements, ni frontières entre la mode, le design ou l'architecture », a souligné auprès de l'AFP Jean-Charles de Castelbajac, styliste et directeur artistique de la marque Benetton.

« C'est non seulement un créateur visionnaire, mais aussi un entrepreneur révolutionnaire qui disparaît », a regretté François-Henri Pinault, le PDG du groupe de luxe Kering. « Un homme d’un immense talent, qui sut construire un magnifique dialogue entre l'Italie et la France et qui, toujours, tenta de dessiner un avenir audacieux par une esthétique futuriste et inspirée », a souligné son concurrent de LVMH, Bernard Arnault.

« Le monde de demain »

Débarqué à Paris en 1945 après avoir fait ses débuts chez un tailleur de Saint-Etienne, Pierre Cardin est passé notamment chez Paquin et Schiaparelli avant de rejoindre Christian Dior, puis de créer sa propre maison de couture. Créateur à l'esthétique futuriste, à l'instar d'André Courrèges et de Paco Rabanne, il a connu le succès dès ses débuts, notamment avec ses robes bulles.

« Le vêtement que je préfère est celui que j'invente pour une vie qui n'existe pas encore, le monde de demain », avait-il un jour déclaré. Précurseur, le couturier s'était très tôt tourné vers l'Asie, où il jouissait d'une grande notoriété : il s'était rendu dès 1957 au Japon, alors en pleine reconstruction, et avait organisé des défilés en Chine dès 1979. Le système des licences – confiant la fabrication de produits à une entreprise tierce en échange de royalties pour l'utilisation du nom – a fait sa fortune. Mais cette diversification à l'extrême a aussi banalisé la marque, méprisée de certains de ses pairs.

Une grande rétrospective lui a été consacrée fin 2019 à New York, manière de revaloriser les audaces et partis pris en avance sur son temps du couturier, qui fut aussi le premier à entrer à l'Académie des beaux-arts en France. « Une très grande perte pour nous », a réagi Laurent Petigirard, secrétaire perpétuel de cette institution.

« Dernier empereur de la mode, révolutionnaire des étoffes, des formes et des couleurs aura marqué à jamais l'art du vêtement », a écrit l'ancien ministre de la Culture, Jack Lang.

« Le chic et la grande classe à la française (...) Je suis très triste car nous étions amis depuis mes débuts en 1965. Il m'a habillée à la ville et créé mes plus belles tenues de scène », a dit la chanteuse Mireille Mathieu à l'AFP. « Combinant inventivité, sens des affaires et de la communication, Pierre Cardin fut toute sa vie durant à l'écoute d'une époque, de ses opportunités et de toutes ses révolutions », a estimé le président de la Fédération de la haute couture, Ralph Toledano.

Dans le village de Lacoste dans le Luberon, il s'était offert les ruines d'un château du XIe siècle où avait vécu le marquis de Sade. Il avait ensuite multiplié les investissements immobiliers dans la région, dont il rêvait de faire « un Saint-Tropez de la culture », au grand dam d'une partie des habitants. Pour sa dernière apparition publique en septembre, à l'occasion de la projection d'un documentaire sur sa carrière au théâtre du Châtelet à Paris, quelque 1 500 invités lui avaient réservé une longue ovation debout.

Cet article a été publié par l'AFP le 30 décembre 2020.

Thématiques

Tous les articles dans Création

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque