Royaume-Uni - Prix

Jesse Darling gagne le Turner Prize 2023

Par Chloé Goudenhooft, correspondante au Royaume-Uni · lejournaldesarts.fr

Le 6 décembre 2023 - 525 mots

L’artiste a été récompensé pour une installation délirante faite de barrières et de béton, symbole de l’effondrement social.

Jesse Darling, lauréat du Turner Prize 2023.  © Photo Victor Frankowski, Hello Content
Jesse Darling, lauréat du Turner Prize 2023.
© Victor Frankowski, Hello Content

Une fois n’est pas coutume, le Turner Prize 2023, annoncé mardi 5 décembre, revient à un lauréat relativement « classique ». Jesse Darling, né à Oxford en 1981 et installé à Berlin, est un artiste qui donne à voir l’effondrement social par des installations délirantes. Des éléments du quotidien, détournés de leur usage par leur déformation, et décoré de petits drapeaux fatigués de l’Union Jack, évoque une Grande-Bretagne qui a perdu le nord. Le jury a salué « son utilisation de matériaux et d’objets banals tels que le béton, les barrières soudées, les rubans adhésifs, les dossiers de bureau et les rideaux en filet, pour évoquer un monde à la fois familier et délirant (…). Sa présentation remet en question les notions de travail, de classe, de britannicité et de pouvoir. »

L’artiste, qui remporte les 25 000 livres du prix (29 000 €), a été récompensé pour ses expositions individuelles « No Medals, No Ribbons » au Modern Art Oxford et « Enclosures » au Camden Art Centre. La première exposition était la plus grande présentation du travail de l’artiste à ce jour, « dans laquelle une série de biens de consommation, d’objets liturgiques, de matériaux de construction, de personnages fictifs et de symboles mythiques - détachés de leur propre taxonomie et remplaçant des corps - proposait d’autres façons de penser et d’être. » Le prix se réconcilie avec sa raison d’être : récompenser un artiste né ou basé au Royaume-Uni et promouvoir un débat public sur les développements de l’art britannique contemporain.

Lors des années précédentes, le prix avait connu une sorte de flottement. On a pu reprocher une sélection qui privilégiait l’engagement social au risque de perdre de vue l’audace artistique recherchée dans les années 1980. En 2019, les nominés avaient même pris les devants du jury pour demander à recevoir le prix en tant que collectif. Ému probablement par ce geste de fraternité, alors que les débats sur le Brexit divisaient le pays, le jury avait accepté la requête dans le but de faire « une déclaration collective au nom de la communauté, de la multiplicité et de la solidarité - dans l’art comme dans la société. » Alors que l’édition de 2020 avait été annulée à cause du Covid, le concept avait tellement emballé les organisateurs que pour l’édition 2021, seuls des collectifs avaient été nominés.

Mais l’édition 2023 risque de ne pas échapper à la polémique : Martin Clark, le directeur du Camden Art Centre où a exposé Jesse Darling, fait partie des membres du jury, ce qui pourrait suggérer un conflit d’intérêts…

Les autres artistes présélectionnés pour 2023 étaient Ghislaine Leung, Rory Pilgrim et Barbara Walker. Ils recevront tous 10 000 livres (11 500 euros). Les expositions des quatre nominés sont présentées au Tower Eastbourne, dans l’est de l’Angleterre, jusqu’au 14 avril 2024. Le prix se déplace tous les deux ans dans un lieu autre que le Tate, dans le but d’élargir l’accès à l’art contemporain en dehors de la capitale britannique. Il retournera à la Tate Britain l’année prochaine pour sa 40e édition. En France Jesse Darling est représenté par la galerie Sultana.
 

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