Art contemporain

Claude Rutault : « Pour sortir du XXe siècle »

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 16 mai 2011 - 588 mots

Une épaisse chemise de coton à carreaux comme un damier, le cheveu court, la barbe dense, assis à son bureau devant une fenêtre qui donne sur des arbres, il tape à la machine.

Devant lui, sur le bureau, une lampe design années 1950, un taille-crayon électrique, un sous-main, deux tampons, un encreur, un paquet de fiches et trois livres empilés. Sur la tranche de l’un d’eux, on peut lire le titre : Pour sortir du vingtième siècle, l’ouvrage qu’Edgar Morin a publié en 1981 et qui s’interroge sur l’après 2000. Si cette photo en noir et blanc de Claude Rutault au travail figure en couverture de l’un de ses catalogues des années 1980, rien n’interdit de penser qu’elle est beaucoup plus récente. L’homme est toujours le même.  

La liberté à l’infini
En post-scriptum, il dit que son atelier « est l’un des endroits où il vit », où « y sont rassemblés livres, revues, catalogues, divers documents sur les activités qui [l]’intéressent, l’art ne constituant que l’un de ces domaines. » À l’en croire, l’endroit est « confortable », il y a « de quoi écouter de la musique » et il peut « également faire la sieste ». Enfin, « il n’y a au mur aucune peinture exposée » parce que, précise-t-il, « l’aspect public de mon travail étant la peinture, je ne vois aucune raison de faire visiter mon atelier. » Datées de janvier 1979, ces lignes semblent bien être toujours d’actualité. Auteur en 1973 d’un concept radical qui règle la fabrication et la gestion de peintures « au-delà de la nécessaire présence de l’artiste » et auquel il a donné le nom de « définitions/méthodes », Claude Rutault appartient à cette espèce d’artistes que l’on dit « conceptuels ». À la base de son travail, il a posé pour axiome qu’une toile est peinte de la même couleur que le mur sur lequel elle est accrochée, avec à la clé tout un lot de déclinaisons potentielles eu égard au support, au format, à sa présentation, etc. C’est dire non seulement le nombre infini de possibilités qu’il offre à la peinture, mais aussi l’extrême liberté du peintre à sa pratique. 

Les bonnes choses de la vie
« Claude Rutault est-il vraiment peintre ? », s’interrogeront certains. Réponse affirmative. Pour ce qu’il suppose une permanente régénération, le principe d’actualisation de ses définitions/méthodes qui gouverne l’usage de ses œuvres en est une façon de garantie. D’un lieu à l’autre, le travail de Rutault s’adapte au contexte et entame chaque fois une nouvelle vie. Il n’est rien finalement de plus dynamique et de moins ennuyeux.  D’ailleurs, le propos du peintre est à son image. On pourrait croire que Rutault, qui compte soixante-dix printemps cette année, est un homme froid, voire sévère. Loin de là. Il est tout le contraire. À l’égal d’un Opalka, c’est un être chaleureux doublé d’un bon vivant qui aime les bonnes choses de la vie et ses secrets gourmands. Par exemple, il n’a pas son pareil pour distinguer entre un bon bolet, une vulgaire vesse-de-loup brune et un champignon à action hallucinogène.  Entre peinture-suicide et peinture-tombeau, Claude Rutault a imaginé jusqu’aux cas de figure les plus extrêmes de sorte à tout gérer comme il faut. Il n’entend rien laisser au hasard, sinon à la peinture elle-même.

Biographie

1941 Né dans la commune des Trois-Moutiers (86).

1973 Premières définitions/méthodes.

1978 Peintures/suicides.

1988 Définition/méthode 189: sous le numéro 189 nous vendons,
œuvre performance réactivée en janvier 2011 à la galerie Perrotin.

2011 Vit et travaille à Paris

Claude Rutault est représenté par la galerie Emmanuel Perrotin, Paris-3e, www.perrotin.com

À paraître en juin 2011 : AMZ ou le soleil brille pour tout le monde, éditions cdla, Saint-Yrieix-la-Perche.

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°636 du 1 juin 2011, avec le titre suivant : Claude Rutault : « Pour sortir du XXe siècle »

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