Anniversaire

CAPC, le quadra du cercle

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 26 mars 2013 - 875 mots

Pour souffler ses 40 bougies, le CAPC de Bordeaux accueille quatre expositions à l’éclat inégal dont une installation spectaculaire et inédite.

BORDEAUX - Pas d’argent et pas de nostalgie : c’est en substance ce que disait Charlotte Laubard, le soir du vernissage des 40 ans du Centre d’arts plastiques contemporains (CAPC) de Bordeaux, dont elle est la directrice. Dans ce contexte, il ne fallait donc pas s’attendre à un anniversaire rétrospectif, festif, fastueux. Il n’y avait rien d’étonnant à ne pas croiser les gens qui ont fait et marqué l’histoire du CAPC, né en 1973 et devenu musée en 1984, comme Jean-Louis Froment, la figure fondatrice ou Henri-Claude Cousseau et Marie-Laure Bernadac, pour ne citer qu’eux. Les artistes non plus n’étaient pas présents, ni les Claude Viallat, Georges Rousse, Dianel Buren, Jean-Pierre Raynaud, Richard Long… La soirée a par ailleurs été l’occasion de lancer la programmation qui, confiée à Alexis Vaillant et étalée tout au long de l’année 2013, va animer cet anniversaire, en commençant donc par les quatre expositions actuellement présentées. La volonté de rupture avec le passé est manifeste dès l’entrée et la fameuse grande nef qui, justement, vit passer de si belles installations (on se souvient notamment de celle de Daniel Buren en 1991). On y découvre Yard, la célèbre et volumineuse œuvre d’Allan Kaprow : 5 000 pneus usagés, dispersés au sol, pour un poids de 40 tonnes. La pièce a été créée en 1961 par l’artiste américain (1927-2006). De son vivant, il a refait une dizaine de fois cet environnement (selon son propre terme) qui est ici réinventé de façon inédite dans cette taille et dans cette forme. « Réceptacle de performances, de conférences » (comme le consacre le communiqué de presse), la configuration invite les visiteurs à s’en amuser et s’y perdre. Sauf à rappeler le passé d’entrepôt du lieu (le fameux Entrepôt Lainé) ; on ne perçoit pas bien le sens, ni rétrospectif, ni perspectif, du choix de cette œuvre ici et maintenant. Elle est néanmoins très spectaculaire et sent indéniablement le caoutchouc.

Arnaudet sauve la mise
Même si on comprend la volonté légitime du CAPC de se tourner vers l’avenir, ce ne sont pas les deux autres expositions présentées également au rez-de-chaussée et assez indigentes qui peuvent donner le ton. La première intitulée « Pollen » est consacrée à Philip Newcombe, né en Allemagne en 1970 et aujourd’hui installé à Londres. Elle rassemble de petits objets du quotidien, sans intérêt, que l’artiste détourne de leur banalité et de leur fonction d’origine en leur greffant des bribes de fiction. Pour meilleur exemple, ces cinq tablettes de chewing-gum reliées en leur centre par un piercing de langue, ce qui pourrait se définir par remâcher une idée. Passionnant. Guère plus d’ailleurs que « Nature more » du Suisse Raphaël Hefti (né en 1978) qui, à vouloir jouer avec les erreurs des processus industriels et les limites des matériaux, montrent justement les siennes. Ses recherches sur les grandes plaques de verre anti-reflets tournent vite au miroir aux alouettes.

L’exposition la plus intéressante est, de loin, celle qui a été confiée à Didier Arnaudet, commissaire invité, critique d’art, directeur de revues et bordelais. Témoin du CAPC depuis le début, il a, lui, trouvé l’angle et le ton justes pour son exposition. Intitulée « La sentinelle », elle occupe les quinze petites salles du second étage et évoque indéniablement les riches heures du lieu. Dans son texte introductif, Arnaudet rappelle que « Le CAPC est né d’un désir d’écriture… [qu’il est] donc parti sur le principe d’écrire une exposition ». Tout son parcours est ainsi construit sur la même idée : chaque salle s’ouvre par une citation de différents auteurs (Hervé Guibert, Jacques Derrida, Maurice Blanchot, Pascal Quignard…) entourée de quelques œuvres choisies chaque fois, non pas pour l’illustrer, mais pour converser avec elle. De vraies rencontres ont lieu et des dialogues se créent entre toutes ces pièces, dont bon nombre sélectionnées dans la collection du musée. La neuvième salle débute, comme un pertinent symbole, sur ces phrases de Georges Didi-Huberman : « Il serait criminel et stupide de mettre les lucioles sous un projecteur en croyant les mieux observer… Pour savoir les lucioles, il faut les voir dans le présent de leur survivance… ». Autour sont présentées des réalisations de Richard Serra, Jannis Kounellis et Pascal Convert. Dans une autre salle, un texte de Philippe Sollers est confronté à Gilbert & George, Peter Halley, Wolfgang Tillmans et Miquel Barceló. On aurait aimé que la sélection d’Arnaudet ait encore plus d’ampleur. Mais il n’a été sollicité qu’en novembre dernier et disposait de moyens limités. Il est vrai qu’en comparaison des 4 millions (environ) accordés pour la manifestation « Evento » en 2011, les 570 000 euros (1) pour le CAPC cette année ne permettent pas de faire de folies. On touche là ce qui relève de la politique culturelle d’une ville.

Note

(1) 250 000 euros de budget annuel auxquels s’ajoutent 150 000 euros pour les 40 ans et 170 000 euros de mécénat et des amis du musée.

CAPC, 1973-2013

Jusqu’à décembre 2013 (dates variables), Musée d’art contemporain, Entrepôt Lainé, 7 rue Ferrère, 33000 Bordeaux, tél.05 56 00 81 50, www.capc-bordeaux.fr, de 11h-18h (20h les mercredis), fermé les lundis et jours fériés

Allan Kaprow, Yard, 1961-2013, vue de l’environnement dans la nef du CAPC musée d’art contemporain de Bordeaux. © Photo : Blaise Mercier/mairie de Bordeaux.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°388 du 29 mars 2013, avec le titre suivant : CAPC, le quadra du cercle

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