École d'art

Éric de Chassey : « Ouvrir les portes et les fenêtres, être en lien avec le monde tel qu’il est »

Par Marie Zawisza · L'ŒIL

Le 24 juillet 2025 - 601 mots

Éric de Chassey, jusque-là directeur de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA), succède à Alexia Fabre à la tête de la plus prestigieuse des écoles d’art, actuellement en difficulté.

Éric de Chassey. © Jean Picon / INHA
Éric de Chassey.
© Jean Picon / INHA
Vous prenez la tête de l’École des beaux-arts de Paris dans un contexte de crise patrimoniale aiguë. Comment abordez-vous ce défi ?

Je l’aborde avec enthousiasme et modestie. C’est une école avec une histoire prestigieuse, reconnue dans le monde entier, qui possède une collection exceptionnelle. Aujourd’hui, il faut en effet sauvegarder ses magnifiques bâtiments menacés par des infiltrations d’eau, des risques d’effondrements… Des travaux d’urgence ont été votés par le conseil d’administration. Il faut les lancer au plus vite. Il me semble cependant essentiel d’articuler cette urgence à un projet à long terme pour assurer une véritable solidité des bâtiments.

Au-delà des bâtiments, quel est votre projet pour cette école ?

La question cruciale est celle de la formation des artistes qui imaginent le monde de demain. Je crois que les quelque 450 000 œuvres des collections de l’école représentent un incroyable atout, et il doit être exploité. À l’Université de Yale, par exemple, où j’ai enseigné, l’école d’art fonctionne en synergie avec le musée. Faire un cours dans une salle où l’on peut faire venir une œuvre n’est pas la même chose que de regarder et commenter une œuvre accrochée dans un musée au milieu du public. S’il a fallu déménager les collections des Beaux-Arts de Paris car leur conservation n’était pas assurée dans les bâtiments, mon idée est de faire en sorte qu’elles puissent revenir, dans une école transformée.

Le système d’enseignement des Beaux-Arts de Paris, qui fonctionne par ateliers, a parfois été critiqué. Envisagez-vous de le remettre en question ?

Il me semble qu’il présente un certain nombre d’avantages : il fonctionne par transmission, à travers des figures de référence, en même temps qu’il crée du collectif. Par ailleurs, il me paraît essentiel d’ouvrir les portes et les fenêtres, être en lien avec le monde tel qu’il est, par exemple en accueillant des artistes internationaux parmi les enseignants, pour des temps plus ou moins longs. D’autre part, il serait intéressant de développer des projets communs avec l’École nationale supérieure d’architecture Paris-Malaquais, implantée sur le même site, ou d’autres écoles de création. Mais si j’avance des idées, j’inventerai les modalités d’application avec le corps enseignant.

Cette idée d’ouvrir l’école s’appliquerait-elle aussi au recrutement des élèves ?

Les bons artistes inventent des choses nouvelles, inattendues. Or si on recrute des personnes qui sont toutes d’un même milieu, cela produit de la répétition. C’est pourquoi il faut, à mon avis, recruter de façon plus ouverte, et réfléchir à la façon d’accueillir des élèves qui n’ont pas les moyens de se loger à Paris. L’École du Louvre a mis en place une résidence pour ses étudiants boursiers. L’École des beaux-arts, qui a un parc immobilier, ne pourrait-elle pas s’en inspirer ? J’ai évidemment conscience d’arriver dans une école dont la situation budgétaire est compliquée. Mais je pense qu’une nation qui entend continuer à jouer un rôle important doit investir pour former les artistes et les acteurs du monde de demain. Même si le retour sur investissement n’est pas immédiat.

1817

C’est la date de fondation de l’École des beaux-arts de Paris, qui regroupe alors peinture, sculpture, gravure, ainsi que l’architecture jusqu’en 1968.


100 millions d’euros

C’est le montant estimé des travaux nécessaires à la sauvegarde des bâtiments des Beaux-Arts de Paris.

Éric de Chassey aura pour mission de « faire de cet établissement la grande école de référence du XXIe siècle dans son domaine, nationalement et internationalement, ainsi qu’un véritable laboratoire du futur ». Communiqué du ministère de la Culture (19 mai 2025).

Né en 1965 à Pittsburgh, Éric de Chassey est historien de l’art, commissaire d’expositions et auteur de nombreux ouvrages. Il a dirigé la Villa Médicis de 2009 à 2015 et l’Institut national d’histoire de l’art (INHA) de 2016 jusqu’à sa récente sa nomination à l’Ensba.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°787 du 1 juillet 2025, avec le titre suivant : Éric de Chassey : « Ouvrir les portes et les fenêtres, être en lien avec le monde tel qu’il est »

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