Ventes publiques : ce qui a changé en France

Par Jean-Christophe Castelain · L'ŒIL

Le 20 avril 2009 - 611 mots

La libéralisation du marché des ventes publiques en France, le 10 juillet 2000, a profondément modifié les règles du jeu. Les maisons anglo-saxonnes se sont très vite imposées, tandis que les services ont gagné en qualité.

Le 10 juillet 2000 : big-bang dans le monde des enchères en France. La France se met enfin en conformité avec le droit européen et ouvre ses maisons de ventes à la concurrence. C’est la fin d’un des plus vieux monopoles en France, puisqu’il remonte à 1556. Le 25 février 2009, le dernier coup de marteau de la vente YSL/Bergé tombe, établissant un record mondial pour la dispersion d’une collection : 374 millions d’euros (auxquels il faut à
ce jour soustraire les deux bronzes chinois adjugés 31,6 millions d’euros, mais dont l’acheteur s’est déclaré insolvable).

L’arrivée en force de Christie’s et Sotheby’s
Neuf ans après la libéralisation du marché, L’œil a voulu comprendre si le succès de la vente YSL/Bergé est à mettre au crédit de la réforme. Première constatation, Pierre Bergé a choisi l’une des deux grandes maisons de ventes anglo-saxonnes (Christie’s), plutôt que l’une des trois cent dix études de commissaire-priseur transformées en sociétés commerciales, dénommées Sociétés de ventes volontaires (SVV). La raison en est simple : seules Christie’s et Sotheby’s disposent d’un réseau international et d’un fichier de clients capables de dépenser plusieurs millions d’euros pour acquérir un objet rare. Le duopole à l’échelle mondiale fait jeu égal en France et détient déjà (en 2008) plus de 30 % du marché des enchères d’objet d’art.
Les SVV françaises n’ont pas pu freiner l’ascension de leurs deux consœurs. Longtemps leader avec plus de 10 % de parts de marché, Tajan est descendue à la quatrième place avec 5,7 % du marché. Piasa fait de la résistance avec 4,3 % du marché. Contre toute attente, il n’y a eu que très peu de regroupements d’études. Seule Artcurial a su réunir des grosses pointures pour bâtir la première SVV franco-française avec 9,3 % du marché.

Second constat : une palette plus large de services
Si la forte médiatisation de la vente YSL/Bergé est plus à mettre sur le compte de la notoriété du vendeur et de l’intérêt croissant du public, partout dans le monde pour les ventes aux enchères, le recours à un marketing sophistiqué pour promouvoir la vente est l’un des fruits de la réforme. L’exacerbation de la concurrence consécutive à la fin du monopole a fait entrer les enchères en France dans l’ère des techniques modernes de communication. Catalogue luxueux, site Internet, exposition-vente au Grand Palais, relations presse très organisées : autant d’outils sophistiqués qui ont nettement progressé en qualité avec la réforme. De nombreuses maisons de ventes proposent aujourd’hui toute la panoplie des services que l’on peut attendre d’un distributeur moderne.
Des services que les vendeurs importants n’hésitent plus à exiger gratuitement. Certains, comme cela se dit pour la vente YSL/Bergé, obtiennent non seulement de ne pas payer de frais vendeurs mais en plus une rétrocession sur les frais acheteurs. Conséquence directe de la libéralisation : une inflation des frais acheteurs, ces honoraires en sus du prix marteau, qui flirtent autour des 30 % pour les premières tranches. Trois fois plus qu’avant la réforme.
La libéralisation des ventes aux enchères est intervenue dans un contexte économique favorable. La crise actuelle risque bien de modifier à nouveau les règles du jeu. L’entrée de gamme (les ventes courantes) va être de plus en plus concurrencée par les vendeurs en ligne, tel eBay, tandis que la pression à la baisse sur les frais acheteurs peut toucher le milieu de gamme. Quant aux ventes de prestige, elles sont directement indexées sur le cours des Bourses mondiales.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°613 du 1 mai 2009, avec le titre suivant : Ventes publiques : ce qui a changé en France

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