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Une économie fragile basée sur le bénévolat

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 27 avril 2017 - 559 mots

MONDE

Tributaires du soutien financier de leurs membres et de minces subventions, les salons historiques peinent à survivre.

GESTION - Plus que jamais, l’art est le monde de l’argent. Face aux foires qui jonglent avec des capitaux du monde entier, les salons historiques font figure de parents pauvres. Le Salon des artistes français, le Salon des indépendants, le Salon des beaux-arts, et le Salon d’Automne sont reconnus d’utilité publique, statut qui les protège. « Si ce n’était pas le cas, avoue Martine Delaleuf, nous aurions déjà été rachetés par les Chinois… » Ils survivent des cotisations et droits d’exposition de leurs membres, ainsi que de subventions parcimonieuses (sauf pour le Salon des beaux-arts qui ne reçoit rien, à la grande perplexité de son président, Michel King). Tout ou presque y est réalisé par des bénévoles. Les artistes payent une somme variable pour exposer (de 250 à 1 000 €) et l’entrée pour le public est payante pour certains salons, gratuite pour d’autres.

Il s’agit d’une économie surannée appliquée à un vaste marché théorique, tant du côté de l’offre que de la demande : par exemple, le Salon des beaux-arts revendique 450 exposants et environ 15 000 visiteurs, celui des Artistes français a compté, cette année, 637 artistes pour 36 000 visiteurs. Selon Sylvie Koechlin, présidente du Salon d’Automne, les prix de vente des œuvres vont de moins de 200 euros à plus de 20 000 euros. Le taux de vente sur ce salon est de 5 %, si l’on en croit les déclarations des artistes.

Même si le ton des responsables des salons est à l’optimisme quant à l’engouement des artistes français, il est clair qu’ils ne pourraient subsister sans la participation des étrangers. Au Salon d’Automne, 870 artistes ont été acceptés en 2016 pour le double de candidatures et, parmi ces exposants, 380 venaient de 44 pays étrangers. Un salon « frère » en Biélorussie, des partenariats avec le Brésil, une grande notoriété chez les Asiatiques font de cette manifestation une référence à travers le monde. Tout comme Michel King, Martine Delaleuf vit les mêmes choses avec le Salon des artistes français : « Les étrangers viennent chercher ici une goutte de renommée à rapporter chez eux. »

Cette ouverture vers l’étranger est traditionnelle dans l’art français depuis le XIXe siècle, mais elle est aussi importante que parce que les artistes français ne considèrent plus comme incontournable leur participation à ces salons. D’une part, des milliers de manifestations, en régions notamment, leur permettent de montrer leurs œuvres à moindres frais, le plus souvent sans avoir à les soumettre à un jury. Un marché juteux se développe d’ailleurs, non plus organisé par des associations, mais par des entrepreneurs prélevant leur dîme sur la « nécessité ontologique » des artistes, telle que la définit Alin Avila. D’autre part, le peu de retentissement des salons historiques décourage d’éventuels participants. Lorsqu’on l’interroge sur ce silence assourdissant autour d’eux, par comparaison avec les foires, Sylvie Koechlin répond : « Elles consacrent des centaines de milliers d’euros à la communication ! Si nous mettions le droit de trottoir [payé à la Mairie de Paris pour exposer sur les Champs-Élysées, NDLR] dans notre communication, nous serions aussi connus que la Fiac. » Une condition pour attirer les talents, mais aussi d’éventuels mécènes. « C’est un serpent qui se mord la queue », constate, dépitée, Sylvie Koechlin qui, à court terme, redoute que des changements politiques ne privent les salons de leurs subventions : « Pour nous, celle-ci représente 13 % de notre budget annuel. Que se passera-t-il si nous la perdons ? »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°478 du 28 avril 2017, avec le titre suivant : Une économie fragile basée sur le bénévolat

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