Un siècle de mobilier français

Biennale et Musée du design en question

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 7 janvier 2000 - 729 mots

De Guimard à Ruhlmann, d’Eileen Gray à Jean Prouvé, de Charlotte Perriand à Philippe Starck, les grands créateurs de mobilier n’ont pas manqué en France, ces cent dernières années. Pour l’ultime Salon du meuble de Paris du siècle et les vingt ans du VIA, les Industries françaises de l’Ameublement organisent une exposition qui réunit sur 1 000 m2 cent trente créateurs et autant d’objets. Cette manifestation d’envergure pose, à point nommé, la question de la création en France d’un véritable Musée du design.

Y a-t-il ou y a-t-il eu une École du mobilier, voire du design, en France au XXe siècle, comme il y aurait une école italienne ou scandinave ? Une longue tradition de création nationale, notamment aux XVIIIe et XIXe siècles, s’est certes perpétuée, en particulier autour de l’Art déco. La tradition d’un savoir-faire a en même temps ouvert la voie au modernisme, à l’innovation, sans nier pour autant un sens de la mesure très français. Le poids de l’histoire est très sensible chez bon nombre des designers hexagonaux, tant dans leur interprétation contemporaine du mobilier que dans leur inspiration stylistique et formelle.

Cette caractéristique fait dire à Didier Krzentowski, expert, collectionneur et directeur de la galerie Kreo, “qu’en termes d’image, et ceci à l’échelon international, le “design” est le fait des Italiens, le “meuble” est celui des Français”. “Le Français n’est ni technicien, ni découvreur, ni aventureux, poursuit Raymond Guidot dans un entretien publié dans le catalogue de l’exposition. Les nouveaux matériaux, les nouvelles techniques, c’est plus italien. La période Art déco est parfaitement symptomatique de cette réalité. On y trouve des marqueteries de qualité égale à celles du XVIIIe siècle. (…) Et aujourd’hui encore, on constate cette continuité”.

Certains se sont pourtant volontairement inscrits en rupture, prenant, comme Prouvé, la voie d’un art d’ingénieur, ou celle d’une certaine rusticité, tels Le Corbusier, Charlotte Perriand et Jeanneret. Le “meuble français” a, il est vrai, été jalonné au cours du siècle par un grand nombre de puissantes individualités qui ont développé un travail autonome, de Pierre Chareau à Jean Royère, et, plus près de nous, Roger Tallon, Olivier Mourgue, Pierre Paulin ou Philippe Starck. Ces dernières années ont aussi été marquées par l’inventivité baroque de Garouste et Bonetti, la poésie de Sylvain Dubuisson ou encore l’efficacité des créations d’un Martin Szekely. Sans oublier les aînés, “L’école française, l’école mobilière française au XXe siècle” fait une large place aux jeunes designers qui animent la scène contemporaine, celle des Pierre Charpin, Ronan Bouroullec, Radi Designers, Matali Crasset, Thibaut Desombre, Vincent Beaurin, Jean-Marie Massaud, Patrick Jouin ou Christophe Pillet, à qui la scénographie a d’ailleurs été confiée. Dans ces conditions, il est difficile de parler d’une École française qui aurait porté la création dans le domaine du meuble au cours du siècle qui s’achève. Reste en tout cas un esprit que l’exposition tente de mettre en exergue. La manifestation pourra aussi être lue comme la possible préfiguration d’un Musée du design qu’Henri Griffon, président de l’Union nationale des Industries françaises de l’Ameublement, appelle aujourd’hui de ses vœux.

Le VIA a vingt ans

« Le VIA a donné une vraie identité à la création française à une époque où on ne parlait que des Italiens », se félicite Aline Fouquet qui, jusqu’en 1995, était responsable des relations internationales de cet organisme, et a multiplié expositions et prospections pour faire connaître les designers hors de l’Hexagone. Celle qui a été en charge du Centre de recherche esthétique de l’ameublement contemporain (Creac), devenu VIA (Valorisation de l’innovation dans l’ameublement) en 1979 et doté d’un budget grâce aux ministères de la Culture et de l’Industrie et à la profession (Unifa), se souvient que dans les années soixante-dix, le consommateur ne jurait que par "le rustico-campagnard, les copies Louis XV, l’inox satiné, l’altuglass..." Il a fallu dénicher les créateurs, les mettre en rapport avec des industriels, des diffuseurs… 90 % des créateurs français, dont Philippe Starck, sont passés par le VIA, estime Aline Fouquet, qui appelle de ses vœux la création d’une grande Biennale à Paris pour faire mieux connaître le travail des designers.
- L’ÉCOLE FRANÇAISE, L’ÉCOLE MOBILIÈRE FRANÇAISE AU XXe SIÈCLE, 13-31 janvier, Hall 5, Paris Expo, Porte de Versailles, 75015 Paris, tél. 01 44 68 18 00, 10h-18h. Catalogue
- ITINÉRAIRE RIVE GAUCHE DU DESIGN, 13-18 janvier, différentes sociétés et magasins de la Rive gauche parisienne, renseignements au 01 42 59 73 40

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°96 du 7 janvier 2000, avec le titre suivant : Un siècle de mobilier français

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