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Un projet de musée Mucha à Paris

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 10 avril 2012 - 943 mots

PARIS

La Fondation Mucha, basée à Prague et à Londres, entretient depuis quelques mois des contacts avec la Mairie de Paris et le ministère de la Culture dans l’espoir de créer un « musée Alfons Mucha » dans la capitale. Forte de sa collection et de son savoir-faire, la fondation est à la recherche d’un lieu et d’un mécène pour financer l’opération.PAR MAUREEN MAROZEAU

PARIS - Quel est le point commun entre Pablo Picasso, Ossip Zadkine, Roy Adzak, Salvador Dalí et Boleslas Biegas ? Ces artistes étrangers, ou français d’origine étrangère, ont chacun un musée à leur nom à Paris, bien que leurs collections et renommées ne soient pas comparables. Les musées monographiques sont cependant loin d’être pléthore dans la capitale. Implanter un nouveau musée consacré à Alfons Mucha constitue de fait un défi. Aussi riche soit son offre muséale, Paris ne comprend pas d’institution dévolue spécifiquement à l’Art nouveau, un mouvement dont l’artiste tchèque incarne un maître incontesté.

Prague peut se targuer d’avoir son Musée Mucha depuis 1998, à la faveur de la Fondation Mucha, basée entre Londres et Prague. Présidée par le petit-fils de l’artiste, John Mucha, la fondation détient la plus importante collection au monde d’œuvres du créateur (plus de 3 000 pièces), dont le musée praguois n’expose qu’une partie. Depuis près de vingt ans, l’institution s’efforce de promouvoir et de valoriser les volutes et les arabesques d’Alfons, de poursuivre un programme d’acquisition, d’organiser des expositions à travers le monde ou encore d’apporter son expertise – la très belle rétrospective qui s’est tenue en 2009 au Musée Fabre à Montpellier a, par exemple, bénéficié de son concours. Il y a deux ans, l’idée d’implanter un musée Mucha à Paris a germé : « Sans Paris et sans Sarah Bernhardt, Mucha n’aurait pas existé », plaide John Mucha, qui qualifie ce choix de « naturel ». Rappel historique : arrivé de Prague en 1887, Alfons Mucha connaît très vite le succès grâce aux affiches qu’il réalise pour les spectacles de Sarah Bernhardt et pour le compte publicitaire de Moët & Chandon, des cigarettes Job ou des biscuits Lefèvre-Utile. Conforme à l’esprit de l’Art nouveau, l’artiste est un touche-à-tout : mobilier, objets d’art, tapisserie, bijoux, architecture d’intérieur… L’année 1900 est celle de la consécration, avec les grandes décorations conçues pour le pavillon de la Bosnie-Herzégovine à l’Exposition universelle. Il quitte Paris six ans plus tard, pour enseigner à Chicago. Dans sa carrière, la capitale française reste à jamais synonyme d’heure de gloire.

Appui politique
Aujourd’hui, le projet que caresse la fondation consiste en un lieu dédié aux années parisiennes de Mucha, et aussi (et surtout) à la reconstitution de son atelier de la rue du Val-de-Grâce, dans le 5e arrondissement de Paris. Occupant l’endroit de 1896 à 1904, il l’a décoré et meublé avec style. L’espace serait divisé entre les collections permanentes – comportant des focus sur Sarah Bernhardt et l’Exposition universelle – et des expositions temporaires aux thèmes spécifiques liés à la carrière de Mucha : œuvres méconnues, techniques, artistes de son cercle parisien… Dans l’idéal, il s’agirait d’un hôtel particulier (comme à Prague), pourquoi pas de style Art nouveau, d’une surface de 1 500 m2 bénéficiant d’une situation centrale, dans le Marais ou à Montmartre. Dans l’idéal… Pour l’instant, la Fondation Mucha dispose d’un atout majeur : l’appui politique. Dès le départ, l’ambassadeur de France à Prague, Pierre Lévy (dont l’épouse, Marie-Sophie Carron de la Carrière, est conservatrice au Musée d’art moderne de la Ville de Paris) s’est intéressé au projet. D’après John Mucha, l’ambassadeur de république tchèque en France, Marie Chatardová, s’est montrée aussi enthousiaste. La Mairie de Paris, à qui la fondation a présenté son projet en décembre 2010, lui apporte son soutien pour dénicher la perle rare à Paris. Et le lundi 2 avril, Frédéric Mitterrand a réitéré ses encouragements à ses représentants. Une nouvelle rencontre est prévue dans les semaines à venir. À ce jour, la fondation a déjà visité une dizaine de lieux sur Paris.

Seul hic, mais il est de taille : le financement. Misant sur sa force de conviction une fois dotée d’un site, la fondation est à la recherche d’un partenaire privé auprès de qui elle mettra à disposition sa collection prestigieuse et son savoir-faire. Un partenariat avec une entité publique n’est pas envisageable en raison du statut privé de la collection, propriété inaliénable du fidéicommis Mucha fondé par le fils de l’artiste, Jiri Mucha – en d’autres termes, aucun legs ne pourra être promis en retour. Pour un partenaire privé, le jeu pourrait en valoir la chandelle. Le succès du musée praguois, l’un des plus visités de la République tchèque (140 000 visiteurs par an), et les chiffres de fréquentation des expositions à travers le monde (102 000 visiteurs à Montpellier, 350 000 visiteurs en 2008 à Madrid) révèlent l’intérêt d’un public pour un artiste qui lui est familier, principalement à travers ses affiches. Sans compter le public japonais, particulièrement friand d’Art nouveau et de musées parisiens

Chef-d’œuvre en péril

La Fondation Mucha est depuis plusieurs années en conflit avec la Ville de Prague au sujet de L’Épopée slave, chef-d’œuvre de l’artiste tchèque. Ce cycle de vingt toiles monumentales, exécuté entre 1912 et 1926, était jusqu’à récemment présenté au château de Moravsky Krumlov, dans des conditions peu adaptées. Si la propriété des tableaux a été établie comme étant celle de la municipalité, la fondation s’est ouvertement opposée au déménagement des toiles et à leur dépôt récent au Veletrzni Palac – un palais des expositions moderne qui, selon elle, offre des conditions de conservation qui peuvent lui être fatales. L’heure est à la recherche, à Prague, d’un cadre idéal pour accueillir les toiles.

Légende photo

Alfons Mucha, Moët & Chandon Crémant impérial, 1899, lithographie, 60,8 x 23 cm, collection particulière. © ARC.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°367 du 13 avril 2012, avec le titre suivant : Un projet de musée Mucha à Paris

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