Sculptures Nok : la France épinglée

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 1 décembre 2000 - 511 mots

Accusée par lord Renfrew of Kaimsthorn, directeur de l’Institut de recherche archéologique de Cambridge, d’avoir « légitimé l’acquisition sur le marché illicite » de sculptures Nok, la France a fait l’objet de vives critiques lors du 30e anniversaire de la convention de l’Unesco contre l’importation, l’exportation et le transfert des propriétés illicites des biens culturels.

PARIS - À l’occasion de cette célébration, lord Renfrew s’est exprimé sur l’“attitude déshonorante du président Chirac”, à qui il reproche “d’avoir demandé [au Nigeria] que l’achat par la France d’antiquités Nok ayant fait l’objet d’un trafic frauduleux, pillées au Nigeria et achetées sur le marché clandestin pour être exposées au Louvre, puis au Musée du Quai Branly, soit légitimé”. Le Musée du Quai Branly s’est élevé “contre ces allégations” et a tenu à confirmer “une nouvelle fois” que “les objets ont été acquis selon les procédures légales et habituelles et sous le contrôle des autorités françaises et étrangères”. En mai (lire le JdA n° 105, 12 mai), l’Icom (Conseil international des musées) s’était en effet ému de la présentation d’une sculpture Sokoto et de deux pièces Nok dans le pavillon des Sessions du Louvre, antenne du futur musée. Ces objets figuraient en effet sur la liste rouge publiée par l’organisation et qui recense les biens culturels strictement interdits à l’exportation (lire également notre article sur le Musée Dapper en page 19). Acquises en Belgique en 1998 et 1999, ces pièces avaient fait l’objet d’une convention postérieure avec le Nigeria, accord qui aurait nécessité l’intervention de Jacques Chirac auprès de son homologue nigérian Olusegun Obasanjo. D’après le quotidien Libération, un accord a été conclu en février, peu de temps avant l’inauguration des salles du Louvre. Pratique d’autant plus légère que l’ambassade du Nigeria dément aujourd’hui l’existence d’un pareil accord, arguant de ratures sur le document.

Le Musée de Miho (Japon), dont certaines pièces sont de provenance douteuse, mais aussi le Metropolitan Museum de New York et le Chicago Institute of Art, dont les expositions présentent des objets issus du trafic illicite ont également été mis en cause par l’archéologue. “Aussi longtemps qu’on continuera à ne pas vouloir s’interroger sur l’origine des œuvres d’art qu’on achète et qu’on vend, il y aura des individus prêts à tirer parti des occasions qu’offrent conflits, instabilité politique et corruption de par le monde de s’emparer d’objets de collections qu’ils pourront vendre à l’étranger en réalisant un grand profit”, a déclaré M. Koïchiro Matsuura, directeur général de l’Unesco. De son côté, Catherine Tasca a estimé que “la prise de conscience internationale se poursuit et que la convention Unidroit constitue le prolongement effectif du dispositif de lutte contre ce fléau”. Affirmant que la “France [...] est fermement décidée à ratifier dans les meilleurs délais cette convention”, elle a indiqué que le projet de loi indispensable à la ratification va être soumis dans les prochaines semaines au Parlement. La loi obligera alors la restitution des biens culturels volés. En attendant, les Musées de France annoncent que le Musée national des arts d’Afrique et d’Océanie vient de recevoir en don une nouvelle tête Nok.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°116 du 1 décembre 2000, avec le titre suivant : Sculptures Nok : la France épinglée

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