Retour vers le futur

4 000 ans de spéculation au Grand Palais

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 25 août 2000 - 991 mots

Conclusion bienvenue aux célébrations de l’an 2000, « Visions du futur, une histoire des peurs et des espoirs et de l’humanité » permettra, dans un Grand Palais transformé en machine à remonter le temps, de revenir sur plus de quatre mille ans de futur. Quête de l’éternité ou aventures spatiales, comment hier, voyait-on demain ?

Taillé dans la diorite, en 2200 av. J.-C., ou imprimé sur du mauvais papier dans les années soixante, le bonnet de Gudéa et le bouclier étoilé de Captain America sont comme leurs propriétaires, ils trompent la mort. Images éternelles du souverain ou du héros, la statuaire et la bande dessinée ne seront qu’une des facettes de “Visions du futur”, ambitieuse exposition qui entend répondre à une question peu commune : “C’était quoi le futur ?” Crânes surmodelés de Papouasie-Nouvelle-Guinée, masques phéniciens en or, ou mannequin funéraire “Rambaramp” du Vanuatu ; l’homme n’a pas manqué de se préoccuper en premier lieu de sa personne en conservant son corps ou son image, avant de songer à des futurs plus collectifs. Lieux où se retrouver après la mort – le Paradis – ou un peu plus tard – les colonies spatiales –, ces alternatives constituent le point central d’un projet mené conjointement par Annie Caubet, conservatrice en chef du département des antiquités orientales du Louvre, Zeev Gourarier, conservateur au Musée des arts et traditions populaires et Jean-Hubert Martin, ancien directeur du Musée des arts d’Afrique et d’Océanie et commissaire de la dernière Biennale de Lyon.

À l’image du triumvirat, les quelque deux cents peintures, sculptures, photographies, films ou maquettes présentées dans un Grand Palais transformé en cathédrale du Futur par une scénographie spectaculaire, feront peu de cas des limitations chronologiques et géographiques pour couvrir plus de quatre mille ans de craintes et d’espérances. “Il saisit le dragon, le serpent ancien qui est le diable et Satan et le lia pour mille ans [...] afin qu’il ne séduisit plus les nations”, écrit saint Jean à la fin du livre de l’Apocalypse. Ère de terreur et de violence, mais aussi prélude à l’harmonie, l’épisode apparaît comme le symbole de ce double mouvement, mâtiné d’une attente sans cesse raccourcie par les thèses millénaristes et autre prédictions. Vision de saint Jean peinte par le Greco, Tapisserie du quatrième jour de l’Apocalypse tissée au XVIe siècle par l’atelier de Wilhelm Pannemaker, relief de Senlis, lustre de la Jérusalem céleste d’Hidelsheim, seront là pour redire que l’Apocalypse et son récit ne sont ni synonymes de fin du monde, ni universels. Possible point d’accord, le Paradis sera lui aussi montré dans sa diversité, qu’elle soit géographique, avec les cycles infinis des religions indiennes et tibétaines, ou temporelle. Jardins clos de l’école flamande, primitivisme du Nave nave Mahana de Gauguin, en passant par les édens, assimilés aux Amériques du XVIIe siècle, l’Occident n’a jamais cessé d’inventer de nouvelles destinations mortuaires au gré de la découverte du monde. “Je ne soutiens pas que le paradis terrestre ait la forme d’une montagne escarpée, telle que la décrivent ceux qui en ont écrit. Je dis seulement qu’il se trouve sur le sommet, là où j’ai dit que j’imaginais un tétin de poire”, écrivait en 1498 Christophe Colomb, alors à l’embouchure de l’Orénoque au Venezuela.

Entre les lendemains divins et les rêves (extra-) terrestres de la modernité, les cités idéales assurent la transition en se déclinant de l’abbaye de Thélème à la fragile maquette du Kinshasa du troisième millénaire imaginé par Bodys Isek Kingelez. Un pied dans la science-fiction, la maquette côtoie le “Space Opera” du baron de Münchhausen, les planches de Zig et Puce au XXIe siècle, d’Alain Saint-Ogan, la très sérieuse voiture-œuf conçue en 1942 par Paul Arzens, les délirantes Machines-volantes de Panamarenko et les Architectones de Kasimir Malevitch. Enfin, dans un dernier réflexe romantique de l’artiste comme prophète, Tom Shannon et Ilya Kabakov seront conviés à faire partager leurs visions, du futur ou non.

En attendant la ville de demain

Le shopping est-il devenu le principal rite de la vie urbaine ?, Le centre se perd-il dans la périphérie ? ou Comment l’état sauvage est-il entré dans la ville ? Loin de l’or et du jaspe de la Jérusalem céleste de Visions du futur, Rem Koolhaas investira cet automne l’Entrepôt Lainé de Bordeaux pour exposer les mutations de nos cités contemporaines. La guerre, économique ou violente, l’information et la consommation constitueront les trois lignes de réflexion développées par l’architecte néerlandais entouré pour l’occasion de philosophes et critiques invités à participer à une série de conférences et débats sur le sujet.
- Mutations, de novembre à mars 2001, Arc en rêve, Centre d’architecture de Bordeaux, Entrepôt, 7 rue Ferrère, 33000 Bordeaux, tél. 05 56 52 78 36, www.arcenreve.comLes beaux rivages ensoleillés...

Rochers, rivages ou villégiatures, le découpage thématique de Méditerranée, ne devrait pas décevoir les amoureux de la carte postale, invités à revenir sur le succès pictural de la côte méditerranéenne. La lumière plus que le pittoresque semble pourtant au centre de la sélection d’une centaine de toiles, qui contre toute attente, regroupent Monet, Cézanne, Dufy, Marquet ou encore Matisse et Picasso. Oubliant ostensiblement l’autre côté de la mer, l’exposition menée par Françoise Cachin longe la côte, de la Catalogne au golfe de Gênes, en s’attardant plus particulièrement sur le midi de la France, lieu de villégiature hivernal, devenu à la fin du XIXe siècle un passage obligé pour nombre d’artistes. Courbet, les peintres de l’Estaque ou encore les fauves à Collioure, une exposition de chefs-d’œuvre en perspective...
- Méditerranée de Courbet à Matisse, du 21 septembre au 15 janvier 2001, galeries nationales du Grand Palais, tlj sauf mardi, 10h-20h, le mercredi 10h-22h.
et aussi :
- Matisse, un siècle de couleur : le noir et le blanc de l’automne, du 14 octobre au 11 décembre, Musée Matisse, Nice, tél. 04 93 81 08 08.
- Gustave Courbet et la Franche-Comté, du 23 septembre au 30 décembre, Musée des beaux-arts de Besançon, tél. 03 81 87 80 49.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°109 du 25 août 2000, avec le titre suivant : Retour vers le futur

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