Quand les artistes gèrent leurs espaces

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 5 février 1999 - 651 mots

Les espaces d’exposition gérés par de jeunes artistes sont légion à l’étranger, mais ces structures n’avaient pas, jusqu’à récemment, d’équivalent en France. Plusieurs lieux de ce type viennent pourtant d’ouvrir dans notre pays en un peu plus d’un an, symboles à la fois du dynamisme de la jeune génération et d’un réel changement d’état d’esprit.

PARIS - Ouverte à Paris dans la très branchée rue Oberkampf en octobre 1997, Glassbox fait aujourd’hui un peu figure de pionnière, avec la quinzaine d’expositions déjà organisées. C’est après avoir visité “Life/Live” au Musée d’art moderne de la Ville de Paris qu’un groupe d’étudiants à l’École supérieure des beaux-arts de Paris – Frédéric Beaumes, Eric Frost Tabuchi, Jan Kopp, Stefan Nicolaev, Gemma Shedden et Sandie Tourle – a décidé d’ouvrir un lieu d’exposition, qui, selon eux, “manquait à Paris”. Installée dans un immeuble neuf construit par Frédéric Borel, l’association dispose de 120 m2 pour un loyer annuel de 50 000 francs, auquel il faut ajouter 50 000 francs de frais fixes. Les initiateurs financent donc largement les activités, aidés par le Café Charbon, des coups de pouce ponctuels (La Poste, des instituts culturels étrangers...) et des subventions de la Drac Île-de-France (10 000 francs la première année, 16 000 la deuxième). Les membres de ce collectif sont partis de l’idée qu’être artiste aujourd’hui, ce n’est pas seulement créer des œuvres, mais aussi organiser des événements et inviter d’autres créateurs à exposer. Un autre espace associatif, le Transpalette, s’est ouvert à Bourges en juin 1998, dans une friche industrielle gérée par l’association Emmetrop. “Transpalette peut être un lieu manifeste, souligne Jérôme Poret, à l’origine du projet. Pour les artistes, c’est un endroit moins édulcoré que le traditionnel cube blanc”. Carlos Kusnir, Pierre Ardouvin et Claude Lévêque s’y sont déjà succédé, présentant leurs œuvres dans un espace de 220 m2, bénéficiant d’une carte blanche pour la soirée du vernissage et éditant un petit journal, le tout avec un budget de 20 000 francs par exposition, hors mécénat. “Nous vivons une crise de la monstration, poursuit Jérôme Poret. Il faut aujourd’hui créer des lieux d’expérimentation qui soient marqués et marquants. Les centres d’art ont été conçus pour des artistes qui faisaient des objets. Aujourd’hui, nous sommes davantage dans l’événementiel, dans une forme de situationnisme qui met en avant le verbe”.

“Expériences, laboratoires, désirs”, tels sont également les mots qui reviennent à propos de Public. Cette association qui rassemble artistes, critiques, gens du milieu de la musique – Boris Achour, Sandra Carigliano, Lili Kim Ri-Hye, Benjamin Le Bois, François Nouguiès, Nathalie Rao et Laetitia Rouiller – propose depuis un mois des événements (vidéos, performances, installations...) dans une partie de l’espace de l’ancienne Galerie des Archives, mise à disposition par Christophe Durand-Ruel pour 30 000 francs par an. Ce groupe, qui ne voulait “ni créer un centre d’art, ni organiser des expositions”, entend s’ouvrir à la danse, au théâtre, “pour que les choses arrivent à se décloisonner”. De son côté, Accès Local n’organise pas non plus d’exposition, en tout cas “pas d’exposition d’œuvres qui se suffiraient à elles-mêmes”, comme le souligne Philippe Mairesse, fondateur de Grore sarl, qui dirige cet espace de 300 m2 inauguré en octobre 1998. Lieu de “production, diffusion, discussion”, Accès Local réunit pour l’instant six “accesseurs”, artistes, graphistes, critiques d’art : Serge Combaud, Bruno Guiganti, Fabien Hommet, Philippe Mairesse, Olivier Reneau et Philippe Zunino. Centre de ressources (œuvres sonores, magazines...) et de discussions – tous les mercredis soirs –, Accès Local, loin de créer un groupe ou un mouvement homogène, entend défendre une certaine ligne, celle de l’art comme méthode opérationnelle.

- Glassbox, 113 bis rue Oberkampf, 75011 Paris, tél. 01 43 38 02 82 ; www.icono.org/glassbox - Transpalette, Emmetrop, 26 route de la Chapelle, 18000 Bourges, tél. 02 48 50 38 61 ; www.altern.org/emmetrop - Public, 4 impasse Beaubourg, 75003 Paris. - Accès Local, 15 rue Martel, 75010 Paris, tél. 01 47 70 12 00.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°76 du 5 février 1999, avec le titre suivant : Quand les artistes gèrent leurs espaces

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