Justice

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Peggy Guggenheim et ses héritiers

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · Le Journal des Arts

Le 29 septembre 2015 - 553 mots

Les héritiers de Peggy Guggenheim ont été déboutés de leurs demandes, l’esprit de la collection n’ayant pas été altéré par la Fondation.

PARIS - Un nouvel épisode vient s’ajouter au conflit entre la Fondation Guggenheim et les héritiers de Peggy qui dure depuis plus de vingt ans. Ce litige est né une dizaine d’années après le décès de leur grand-mère, lorsqu’ils s’émeuvent des multiples remaniements du Palais Venier dei Leoni et de la collection légués à la Fondation. Une partie des héritiers avait alors saisi la justice française, afin de voir ordonner la « remise en état » des différents legs. Déboutés par le tribunal de grande intance (TGI) de Paris le 7 décembre 1994, les demandeurs avaient alors formé appel avant de signer un protocole transactionnel avec la Fondation Guggenheim. En 2013, les héritiers, constatant la division de la collection en plusieurs lots, la modification de la disposition des œuvres restantes et une violation de la sépulture de la défunte par la transformation du jardin en un lieu purement commercial, voulurent remettre en question la gestion de la Fondation au regard de la transaction signée en 1996. Déboutés de leur action le 2 juillet 2014, ils l’ont été à nouveau par la cour d’appel de Paris, sur d’autres motifs, le 23 septembre dernier. Pour la justice, l’esprit du Palais n’a pas été altéré.
Une autre question se nichait au cœur du litige, celle de la qualification d’une collection d’œuvres d’art comme œuvre de l’esprit. Celle-ci n’a pas pu cependant être abordée par la cour, faute d’avoir été soumise indépendamment de toute autre considération juridique. La question posée, tant au regard du droit français que du droit italien, s’avérait, en effet, nécessairement corrélée à la preuve préalable d’une violation par la Fondation de l’article 3 du protocole transactionnel de 1996.

L’article 3 de la transaction a été respecté
La cour ayant rejeté, à la différence du jugement de première instance, toute fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée sur ce point, l’analyse de l’article 3 de la transaction pouvait enfin être menée. Cet article reconnaît à la Fondation le droit exclusif à l’exercice de son contrôle de la collection et de l’exposition des œuvres dans le palais vénitien, sans limiter aucunement ce droit aux seules œuvres de la collection de Peggy Guggenheim et l’autorise à exposer dans le même lieu d’autres collections que celle de l’ancêtre des demandeurs. Or, selon la cour « la transaction n’impose à la Fondation aucune contrainte quant à la durée de telles expositions (des œuvres de la collection) et à la primauté de la collection de Peggy Guggenheim, en termes de quelque proportion que ce soit, et ne fixe aucune condition quant à l’ampleur et la fréquence d’éventuelles expositions itinérantes ; (…) que l’article 3 n’exige enfin pas la présentation constante de l’ensemble des œuvres de la collection de Peggy Guggenheim, incompatible, au demeurant, avec la nécessité de préserver et de restaurer certaines pièces ». Dès lors, à défaut d’avoir caractérisé une quelconque violation de la transaction, la demande subséquente visant la reconnaissance de la collection comme œuvre de l’esprit devait nécessairement tomber. De même pour la demande visant à supprimer toute mention faisant état de la Collection Schulhof, de la Collection Mattioli et de la Collection Nasher dans l’enceinte du Palais et du jardin. Les héritiers ont annoncé leur volonté de se pourvoir en cassation.

Légende photo

David Seymour, Peggy Guggenheim dans son palais le long du Grand Canal, Venise, 1950. © David Seymour.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°442 du 2 octobre 2015, avec le titre suivant : Peggy Guggenheim et ses héritiers

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