Paul Magnette : « Il faut désacraliser les musées »

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 3 janvier 2023 - 838 mots

Président du Parti socialiste belge, né en 1971 à Louvain, Paul Magnette a été ministre-président du gouvernement wallon entre 2014 et 2017. Il est élu bourgmestre de Charleroi depuis 2012.

Charleroi installe sa collection de beaux-arts dans un nouveau bâtiment. Pourquoi un « nouveau » Musée des beaux-arts ?

Charleroi a eu une politique d’acquisition très intéressante, qui a plus d’un siècle. Les autorités communales ont décidé d’accueillir des œuvres d’artistes locaux et internationaux qui avaient travaillé dans la région. La ville possède donc aujourd’hui un patrimoine de près de 4 000 œuvres. Mais ces œuvres n’ont jamais été véritablement exposées de manière concrète et systématique, la collection n’étant pas présentée dans un musée à proprement parler. Il y a une dizaine d’années, je me suis donc dit que cette collection méritait un vrai musée, car elle est une manière de raconter l’histoire de la ville à travers la peinture et la sculpture, à travers les représentations artistiques de ceux qui l’ont habitée ou visitée.

À quel public le Musée des beaux-arts de Charleroi s’adresse-t-il ?

Il s’adresse en priorité aux scolaires. Je crois beaucoup à l’émancipation par la culture. Il est important de faire tomber les barrières qui existent encore entre les milieux populaires et les institutions culturelles. Pour cela, nous devons avoir une vraie politique d’accessibilité dès le plus jeune âge et dans tous les milieux. Il faut désacraliser les institutions culturelles en général, et les musées en particulier. Mon ambition est que tous les enfants des écoles de Charleroi visitent ce musée au cours de leur scolarité, comme les autres musées de la ville d’ailleurs. Nous avons cinq musées à Charleroi qui, chacun à leur manière, permettent aux jeunes de notre région de se réapproprier leur histoire. Ceci me paraît d’autant plus important que l’on fait partie de ces régions qui ont été très stigmatisées à cause de la crise industrielle et sociale qui a sévi ici. Il y a donc un véritable enjeu à se réapproprier son identité, à ne pas se laisser assigner une identité de l’extérieur mais à se la construire. Or la meilleure manière de le faire, c’est de replonger dans son histoire, ses racines, d’expliquer aux enfants et aux petits-enfants issus, pour beaucoup, de l’immigration que leurs parents et leurs grands-parents sont venus à Charleroi pour contribuer à la prospérité collective et que cela a été magnifié par les artistes de l’époque.

Le musée s’inscrit dans une ambition plus globale de redynamisation des équipements culturels…

Nous avons beaucoup investi, ces dix dernières années, dans les infrastructures culturelles. Charleroi possède quelques joyaux, tel le Palais des beaux-arts, notre navire amiral, construit avec fierté dans les années 1950. Il a été très largement modernisé et il va être étendu par l’acquisition d’un hangar tout proche, qui nous permettra de construire une nouvelle salle. L’autre navire amiral est évidement Charleroi danse, le centre chorégraphique belge francophone qui n’a pas d’équivalent ailleurs et qui a bénéficié d’une superbe rénovation par Jean Nouvel. L’ancienne Banque nationale est devenue, grâce à des fonds européens, le Quai10, un cinéma d’art et d’essai. Le Musée d’art contemporain BPS22 a, lui aussi, été profondément rénové – il est toujours en cours de rénovation. Nous avons acheté l’école située à proximité pour pratiquement doubler ses espaces et créer des salles de résidences et d’activités. Le théâtre de la Guimbarde, qui n’avait pas de lieu, possède désormais son propre espace. Beaucoup d’autres projets comme ceux-là sont en cours. Sans oublier, bien sûr, le Musée de la photographie qui est le plus grand musée de photo d’Europe et qui a été rénové il y a une dizaine d’années.

Tout ceci s’inscrit dans une politique d’importante rénovation urbaine. À quel horizon le nouveau Charleroi sera-t-il terminé ?

La rénovation urbaine de Charleroi est, je pense, l’un des plus grands chantiers en Europe depuis Bilbao. Il ne sera pas terminé, pour certains aspects, avant 2050, comme, par exemple, la revitalisation de la Porte ouest, l’ancienne zone de la sidérurgie sur laquelle nous travaillons avec la paysagiste urbaniste Paola Viganò. La rénovation du centre-ville sera, quant à elle, à peu près achevée vers 2027. Fin 2023, déjà, beaucoup de chantiers auront abouti, dont l’esplanade de la gare et les quartiers environnants, la ville basse et le quartier étudiant qui va sortir aussi de terre dans la ville haute. Je vous donne donc rendez-vous dans trois ou quatre ans pour voir le nouveau Charleroi.

2 080 m2

C’est la superficie du nouveau Musée des beaux-arts de Charleroi, déployée sur trois niveaux des anciennes écuries de la caserne Defeld, proche du centre-ville.


Dupuis

Pour son exposition temporaire inaugurale, le Musée des beaux-arts de Charleroi accueille les Éditions Dupuis : « La fabrique de héros. 100 ans de 9e art au Pays noir ».

 

« Si, par le passé, des mineurs, des métallurgistes, des verriers venaient des quatre coins de l’Europe pour travailler ici à Charleroi, créer la richesse qui servirait à la construction de la Belgique, c’est aujourd’hui un territoire martyrisé auquel nous avons donné un nouveau souffle. » Georgios Maillis, architecte, bouwmeester de Charleroi

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°761 du 1 janvier 2023, avec le titre suivant : Paul Magnette : « Il faut désacraliser les musées »

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