Justice - Vandalisme

L’urinoir, l’artiste et la justice

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 4 décembre 1998 - 336 mots

L’artiste Pierre Pinoncelli a été condamné le 20 novembre, par la Chambre civile du Tribunal de grande instance de Tarascon, à payer près de 300 000 francs pour avoir dégradé un urinoir de Marcel Duchamp.

TARASCON - Pierre Pinoncelli était poursuivi par le ministère de la Culture pour avoir porté un coup de marteau sur l’urinoir de Duchamp – après l’avoir utilisé – alors qu’il était exposé à Nîmes, en mai 1993. Il devra verser 250 000 francs, “correspondant à la dépréciation de l’œuvre d’art”, à la compagnie d’assurance Axa Global Risk. L’artiste devra en outre payer 20 000 francs à l’État, 16 336,80 francs correspondant aux frais de restauration de l’œuvre et 10 000 francs de frais de procédure. Le tribunal a suivi dans son ensemble les demandes du ministère de la Culture. “Il s’agit d’une atteinte manifeste au patrimoine de la France. M. Pinoncelli ne peut agir en toute impunité, un marteau à la main, en dégradant une œuvre sous prétexte de réaliser un happening”, avait insisté Me Laurence Bozzi, avocat du ministère.

Pour sa part, Pierre Pinoncelli, 69 ans, dont la maison avait été placée sous hypothèque dans l’attente du délibéré, déclarait avoir “rendu à cette œuvre d’art sa valeur ordinaire en pissant dedans” et lui “avoir asséné un coup de marteau pour alerter les institutions sur les dérives financières qui caractérisent le marché de l’art”. Il s’était déjà signalé en aspergeant d’encre rouge le ministre de la Culture André Malraux, lors d’une exposition Chagall à Nice en 1969. “Pour cette action contre Malraux, je n’avais même pas été poursuivi. Mais voici que, trente ans plus tard, l’État a décidé de poursuivre un artiste contemporain et de le faire condamner à une amende maximale. Cela rappelle de bien mauvais moments de l’Histoire”, a réagi Pinoncelli, qui va faire appel. Il affirme avoir reçu le soutien de nombreux artistes, et envisage de réaliser avec eux des “actions d’éclat”, afin de dénoncer “les excès d’autorité du ministère de la Culture à l’égard des artistes contemporains”.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°72 du 4 décembre 1998, avec le titre suivant : L’urinoir, l’artiste et la justice

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