Église

Les églises touchées par la grâce publique

Par Sophie Flouquet · L'ŒIL

Le 21 janvier 2009 - 625 mots

Le XXe siècle a fourni des exemples majeurs de commandes d’art sacré, comme l’église Notre-Dame de-toutes-les-Grâces (plateau d’Assy) et la chapelle Matisse (Vence). Le XXIe lui emboîte le pas…

Sous l’ère Lang, l’art sacré s’est renouvelé avec les vitraux de Pierre Soulages pour l’abbatiale Sainte-Foy à Conques, de Jan Dibbets pour la cathédrale Saint-Louis de Blois, de David Rabinowitch pour la cathédrale Notre-Dame-du-Bourg à Digne, ou encore d’Aurélie Nemours pour l’ancien prieuré bénédictin de Salagon en Provence.

Les vitraux des églises Sainte-Croix et Saint-Georges à Chelles
Plus récemment, deux églises ont fait l’objet de commandes publiques ambitieuses. La première commande, initiée par la ville de Chelles (Seine-et-Marne) et le ministère de la Culture, a confié au designer Martin SzeKely et à l’architecte Marc Barani le soin de transformer les églises mitoyennes de Sainte-Croix et Saint-Georges (VIe siècle) en un espace d’exposition dédié aux arts visuels.
Le tandem est intervenu sur l’intérieur comme sur les abords, avec un projet artistique très sobre pour s’adapter à l’affectation retenue : verre extra-blanc trempé, inox et mortier à la chaux. L’intérieur laisse pénétrer largement la lumière naturelle, et la ville se devine à travers les vitraux transparents. Un parcours en spirale et une plantation de pommiers permet de passer progressivement de la ville bruyante à l’intimité du jardin d’entrée. Le projet s’est réalisé dans la durée pour mieux faire comprendre aux élus, au fil du temps, les choix effectués : sept ans entre le lancement de la procédure et l’inauguration l’an passé.
L’existence à Chelles d’une équipe engagée depuis longtemps dans la sensibilisation et l’éducation artistique au sein d’ateliers ou en milieu scolaire a permis d’accompagner ces transformations. Et de poser le principe d’un lieu de ressources et de découverte de jeunes plasticiens, qui soit également porteur de lien social. Le coût total s’élève à 2,65 millions d’euros financés à 48 % par la ville, 22 % par l’État, 17 % par la région Île-de-France et 13 % par le département.

Le chœur de l’église Saint-Jean-Baptiste de Bourbourg
La seconde commande est exemplaire par l’action de sensibilisation qui a été menée. Il s’agit du « Chœur de lumière » (15 sculptures) réalisé par le Britannique Anthony Caro pour l’église Saint-Jean-Baptiste de Bourbourg (Nord-Pas-de-Calais). Cet édifice a été bombardé en mai 1940 ; le chœur, muré, est resté fermé au culte pendant plus de cinquante ans, et sa renaissance est donc hautement symbolique pour la population.
De nombreux acteurs publics et privés (collectivités locales et territoriales, ministère de la Culture, Europe, clergé, Association des amis de St-Jean-Baptiste, entreprises) se sont donc associés pour créer un événement artistique majeur pour cette région : il a ainsi été décidé de solliciter « un artiste au sommet de son art, comme l’était Matisse en 1951 quand il créa son œuvre dans la chapelle du Rosaire à Vence ».
Il a fallu de l’audace pour implanter un baptistère dans un chœur et pour installer une œuvre monumentale dans un édifice gothique. Mais aujourd’hui le chœur a retrouvé un usage cultuel et permet la célébration du baptême. Le mobilier liturgique, également créé par Anthony Caro, a été béni et consacré par l’archevêque de Lille.
La commande publique s’élève à 2,25 millions d’euros, dont 628 400 de l’Europe. D’un rayonnement international, l’église Saint-Jean-Baptiste de Bourbourg se veut un moteur du développement touristique des Flandres-Maritimes. C’est pourquoi l’inauguration s’est accompagnée d’une rétrospective de quarante ans de créations d’Anthony Caro dans trois musées du Nord-Pas-de-Calais [lire L’œil n° 606]. Un moyen parmi beaucoup d’autres (ateliers de pratique artistique, travail de recueil de la mémoire des habitants, projet de centre d’interprétation) de sensibiliser le plus large public à l’œuvre de cet artiste qui, sous-lieutenant dans la Royal Navy en 1944, connut lui aussi l’écrasement de Londres sous les bombardements.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°610 du 1 février 2009, avec le titre suivant : Les églises touchées par la grâce publique

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